Pouirkèta Rita NIKIEMA de nationalité burkinabé, étudiante en Sciences Economiques et de Gestion, titulaire du DEA/Master-NPTCI à l’Université Ouaga II (Burkina Faso), option : Economie des Ressources Humaines.
nous présente la synthèse de son mémoire de DEA, soutenu en juillet 2011.
Effectis scolarisés versus qualité de l’enseignement
Depuis 1990, les pays d’Afrique subsaharienne se sont lancés dans la course de la scolarisation primaire universelle ou Education Pour Tous (EPT) d’ici 2015. Au Burkina Faso, le taux d’achèvement du cycle primaire est passé successivement de 27,4% en 2000 à 41,7% en 2008 pour atteindre 52,1% en 2010. Les effectifs scolarisés ont presque doublé en dix ans, ce qui est un exploit, mais qui fait naître des interrogations sur la qualité de l’enseignement dispensé. La réalisation de l’EPT vise aussi à ce que les enfants acquièrent et dans les délais les compétences dont ils auront besoin afin de saisir leur chance dans la vie active.
Malgré des avancées positives, le système éducatif burkinabé est confronté à des problèmes d’efficacité, le taux de redoublement est élevé et vaut 25,3% dans le dernier cycle du primaire en 2009. En outre, les abandons sont assez fréquents, le taux d’abandon était de 7,4% en 2009. De surcroît, les évaluations internationales (en langue et en calcul) comme le PASEC, témoignent d’un faible niveau des apprentissages des élèves en CP2 et CM1.
Entre les deux enquêtes PASEC de 1996 et 2007, les scores obtenus en français sont passés de 46,6 sur 100 à 37,4 pour les élèves du CM1, et de 58,2 à 43,1 pour le CP2. Le rapport PASEC nous dit : « Si les élèves ruraux et pauvres ont de moins bons scores que les autres, alors plus on scolarise ces élèves, plus on doit s’attendre à ce que le niveau moyen baisse. » et note qu’en CP2 : « la baisse est très importante en milieu rural, notamment en mathématiques. Par contre en milieu urbain, le niveau se maintient en français tandis que le niveau en mathématiques baisse fortement. », mais aussi que « certaines écoles rurales scolarisant des pauvres réussissent très bien, ce qui est encourageant ».
La question qui se pose alors est de savoir à quoi le faible niveau de performance est-il imputable : aux élèves eux-mêmes, aux enseignants, ou aux conditions d’enseignement?
Problématique de l’étude
Après une revue très complète des différentes théories sociologiques ou économiques sur la performance scolaire, il est prudent de dire que toutes les variables susceptibles d’influencer la performance scolaire n’ont pas été prises en compte. Par exemple, les variables liées au leadership du directeur d’école, l’implication de la communauté éducative (relations parents d’élèves-enseignants, parents d’élèves-directeur, enseignant-directeur) ou les échanges d’expérience entre enseignants qui ne sont appréhendées que par questionnaires. De même, la conception ou estime de soi n’a pas été prise en compte comme facteur individuel, ni les compétences académiques des enseignants, ou encore les méthodes pédagogiques utilisées par les enseignants, qui supposent une observation directe.
L’étude s’est proposé d’analyser la performance scolaire de l’enseignement primaire au Burkina Faso en caractérisant le marché de l’éducation et en déterminant les facteurs explicatifs des acquisitions scolaires. L’étude a permis de développer deux principales hypothèses :
- L’offre et la demande d’éducation déterminent un marché oligopolistique
- Les caractéristiques socio-économiques des élèves, les caractéristiques de l’enseignant et de l’école influencent la performance des élèves.
Résultats de l’étude
L’offre d’éducation est appréhendée par les infrastructures (écoles, équipements), les enseignants et le personnel administratif. L’offre est assurée par le public (Etat) et le privé (allant du secteur purement privé aux groupes religieux en passant par les ONG). Une concurrence se joue souvent entres offreurs du privé. Lire à ce propos un article sur les écoles privées catholiques au Burkina Faso.
Le gouvernement burkinabé cherche d’ailleurs à diversifier son offre à travers les écoles satellites ou écoles bilingues (voir cette vidéo d’Arte).
Quant à la demande, elle est l’expression des besoins des ménages ou de la collectivité sous des contraintes : le revenu, les facteurs socioculturels et démographiques. Les offreurs étant limités (avec concurrence) et les demandeurs multiples, il ressort aisément qu’en tant que bien, l’éducation s’échange sur un marché oligopolistique. Ensuite, à travers une estimation économétrique, il est mis en évidence que les caractéristiques socio-économiques des élèves, les caractéristiques de l’enseignant et les facteurs de qualité de l’enseignement influencent la performance scolaire.
Pour la détermination de ces facteurs de la performance des élèves, l’enquête PASEC Burkina Faso de 2006 a fourni les données sur les élèves, les enseignants et les écoles. La performance de l’élève est appréhendée par quatre niveaux : mauvaise performance (niveau 0), performance à améliorer (niveau 1), performance satisfaisante (niveau 2) et bonne performance (niveau 3), qui caractérisent une variable à expliquer par un modèle multinomial, le probit ordonné.
Les résultats du probit ordonné, modèle encore peu utilisé en éducation, montrent que des variables caractérisant le milieu socio-économiques des élèves, en passant par les caractéristiques de l’enseignant, expliquent bien le niveau de performance des élèves. En effet, les variables prédisent correctement dans plus de 65% des cas, la probabilité d’une mauvaise performance et le modèle identifie davantage les facteurs d’échec que de succès. Pour les caractéristiques des élèves, l’usage du français à domicile, la possession de manuel, le fait d’être à moins de 15 minutes de l’école contribuent à une bonne performance scolaire, tandis que le fait d’être fille, avoir redoublé, exercer des activités extra scolaires et habiter à plus d’une heure de son école favorisent une mauvaise performance. Le système éducatif du Burkina Faso a donc bien du mal à contrebalancer les effets du contexte avec les types d’écoles ou de scolarisation existants.
Concernant les caractéristiques de l’enseignant, les maîtres ayant un diplôme professionnel, qui vivent près de l’école ou qui sont des femmes assurent une bonne performance scolaire aux élèves. Par contre, l’ancienneté de l’enseignant, le fait qu’il vive loin de l’école, les absences de l’enseignant sont des facteurs favorisant une mauvaise performance. En dehors du caractère public de l’école, la localisation, qu’elle soit en ville ou au village, l’effectif de la classe, l’équipement de base influencent positivement la performance. Le rapport PASEC note : « les élèves ne bénéficient pas des mêmes chances de réussite selon qu’ils fréquentent des écoles de statuts différents, ou selon que l’école se trouve en milieu urbain ou rural ».
Recommandations et perspectives
Au terme de l’étude et au regard des résultats, des recommandations ont été proposées en vue d’améliorer la performance scolaire des élèves. D’abord, les autorités pourraient veiller à ce que chaque enseignant ait le premier diplôme professionnel avant d’enseigner, ce qui passe par la formation initiale permettant à l’enseignant d’acquérir une pédagogie nécessaire pour l’apprentissage des élèves. Les résultats de l’étude montrent que les enseignants n’ayant aucun diplôme professionnel favorisent une mauvaise performance scolaire. Il se présente souvent des situations où certains enseignants sont recrutés et envoyés directement en salle de classe. Ce manque de qualification pédagogique se reflète sur les résultats.
En outre, les autorités doivent mettre en œuvre des mesures pour réellement diminuer le redoublement. Des études ont montré que la particularité de l’éducation en Afrique francophone est le maintien de taux de redoublement élevés qui agissent négativement sur sa performance scolaire. De plus, le redoublement augmente le temps d’achèvement du primaire et le coût de l’éducation, ce qui constitue un frein à l’objectif de la scolarisation universelle.
En outre, les résultats ayant montré que les classes des écoles publiques sont moins performantes que celles privées, on pourrait prendre des mesures d’amélioration de la gestion des écoles publiques, notamment sur le temps scolaire.
Par ailleurs, les résultats démontrent que posséder les livres pour l’apprentissage à la maison favorise une bonne performance des élèves. Cependant, l’étude révèle que plus de 70% des élèves n’ont aucun livre en leur possession pour l’apprentissage. Les autorités devraient rendre effective dans toutes les écoles la distribution gratuite des livres aux élèves en occurrence aux plus défavorisés leur permettant d’accroitre leur performance et mieux équiper les classes en matériels didactiques. Enfin, les autorités doivent prendre des mesures d’amélioration des conditions d’apprentissage des filles à l’école. Les résultats montrent une mauvaise performance des filles par rapport aux garçons, ce qui loin d’être systématique en Afrique francophone. Le sexe ne doit pas être un facteur de différence de performance et la parité genre est un objectif à part entière de l’EPT.
Limites et perspectives de l’étude
La disponibilité des données n’a pas permit à la présente étude (comme l’indique le titre) de déterminer les facteurs scolaires de tout le système éducatif au Burkina Faso. Dans ce sens, le PASEC est encouragé à étendre les enquêtes jusqu’au niveau supérieur ce qui permettra de faire l’analyse sur tout le système éducatif et d’apprécier son efficacité d’ensemble.
A reblogué ceci sur Historiens.BFet a ajouté:
L’EDUCATION COMME DE DÉVELOPPEMENT DE TOUTE NATION.