Un projet environnemental avec le peuple Moken en mer d’Andaman en Thaïlande
Par Christian Asse, avec l’aide de Ben Wandivinit
Présentation du peuple Moken
Une vie sur mer
De nombreux Moken sont maintenant semi-nomades. Ils ont construit des villages côtiers dans les différentes îles de la mer d’Andaman.
Les poissons et les crustacés servent de nourriture. Les perles d’huîtres sont revendues en échange de fuel et de riz.
Malheureusement, cette capacité exceptionnelle à descendre en apnée à des dizaines de mètres de profondeur est exploitée aujourd’hui par des employeurs peu scrupuleux de certains jeunes Moken, pour la pêche à l’explosif au Myanmar.
Un mode de vie basée sur la sobriété
Deux principes caractérisent le mode de vie des mokens :
- Ne pas accumuler des biens. La sobriété de leur mode de vie dans le kabang leur sert de référence.
- Ne pas se trouver en compétition entre les individus. Dans chaque communauté regroupant une dizaine de familles, chacun vit de la même manière.
Sur le plan religieux, ils sont animistes. Ils croient aux esprits de la nature et à ceux de leurs ancêtres. Les esprits et ancêtres sont symbolisés avec les lobong, totems en bois construits dans leurs villages. Par exemple, avant que ne soit abattu l’arbre qui sert à construire le kabang, une prière aux esprits de la forêt est faite dans le respect dû à l’esprit gardien de l’arbre. Ces croyances leur permettent d’avoir une faible empreinte environnementale.
Un nouveau contexte avec la pollution de la mer d’Andaman et la perte de la biodiversité
En Asie, les effets de la pollution par le plastique sont dramatiques. La Chine, l’Indonésie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam sont les cinq pays qui rejettent à eux seuls plus de quatre millions de tonnes de plastique par an dans les mers. Ils seraient à l’origine de plus de 80 % des déchets en mer. On considère que cette pollution touche près de 600 espèces de vertébrés marins. Le plastique alimentaire peut en effet provoquer la mortalité animale.
Les plastiques sur les plages ou dans les villages sont pour 80% amenés du continent par les courants. Les côtes de la mer d’Andaman n’y échappent pas. Ceci entraîne un impact négatif sur la biodiversité halieutique et aviaire.
Un impact drastique sur les ecosystèmes
Les déchets plastiques modifient le fonctionnement des écosystèmes. Ils fragilisent la biodiversité marine, et ils mettent également en péril la santé humaine. Les micro-plastiques, chargés de polluants, d’additifs, de polymères, peuvent être directement ingérés par plusieurs organismes :
- le plancton,
- petits poissons,
- les moules ou les huîtres que nous consommons.
L’élimination des plastiques dans les océans et zones côtières est donc primordiale pour préserver la biodiversité marine. Bien que le principal levier reste la limitation de sa production sur le continent.
A Bali, depuis 2016, existe une vaste campagne de collecte de déchets plastiques dans les zones côtières. On a pu y constater un retour de la biodiversité marine et aviaire sur ces zones.
Une contribution des Moken à la protection de l’environnement avec l’appui d’ONG
Depuis quelques années, des associations s’impliquent dans la collecte de plastique sur les plages des îles de la mer d’Andaman. En fonction de la nature des déchets cela peut aussi inclure son recyclage.
La fondation Jan & Oscar, dans le cadre de son projet de lutte contre la pollution plastique « Moken, gardiens de la mer », intervient par exemple dans les secteurs de Ranong et de Phang Nga pour collecter et recycler chaque année des tonnes de plastique. Une fois recyclé, ce plastique devient une matière première utilisée pour la fabrication de textiles et divers produits, notamment dans l’industrie horlogère.
Ce mode de fonctionnement permet l’augmentation du réemploi de ces déchets. L’amélioration des performances de collecte et recyclage est augmentée aussi. Les communautés Moken de l’île de Koh Chang et des îles environnantes interviennent de manières variées. Soit quotidiennement dans leur village (malgré que des plastiques y soient renvoyés à chaque marée montante), soit sur les plages ou en mer en morte saison de pêche, pour collecter les déchets plastiques.
Organisation de la collecte de plastique
La création d’une entreprise sociale en 2019, Ranong Recycle for Environment, axée sur le tri et le recyclage des plastiques, leur permet de vendre les plastiques récupérés en mer ou sur les îles directement à l’entreprise. Les plastiques sont achetés à un prix équitable. Les jeunes adultes Moken qui le souhaitent, peuvent également venir se former. Suite à la formation, ils peuvent travailler au centre de collecte pour trier les plastiques en échange d’un salaire équitable et d’un logement. La fondation met aussi à disposition un bateau. Le bateau est chargé de plastiques, et puis amené vers le centre de collecte, situé dans la ville de Ranong.
Il a été acheté grâce à un financement participatif, son fonctionnement et son entretien étant couverts par la start-up suisse Tide Ocean, partenaire de la fondation, ainsi que l’horloger Maurice Lacroix. Dans l’île de Koh Chang, 13 tonnes ont par exemple été recueillies sur une période de 5 mois.
Pour les Moken, l’activité de collecte est intéressante. Elle prend lieu en dehors du cycle d’activité de pêche, ce qui constitue un revenu alternatif pour les communautés. Ainsi la collecte représente un avantage économique associé aux avantages environnementaux et sociaux.
Avantages environnementaux
La collecte permet le nettoyage d’espaces pollués.
Elle permet aussi un retour de la biodiversité (les écosystèmes ne sont plus perturbés par les déchets plastiques).
Le recyclage du plastique permet de valoriser la collecte ce plastique étant réutilisé.
Avantages économiques
Le plastique collecté représente une valeur comme matière première.
L’activité représente un revenu pour les Moken.
L’activité n’interrompt pas les activités de pêche.
De jeunes Moken peuvent gagner un salaire équitable au centre de collecte .
Avantages sociaux
La collecte est en cohérence avec le fonctionnement social des communautés (une activité de cueillette, comme la récolte de coquillages).
L’activité est validée par la communauté et l’école Moken y apporte sa contribution.
L’activité soutient une gestion communautaire et durable des déchets.
La sensibilisation des générations futures à l’école Moken
L’école Moken fonctionne comme toutes les écoles thaïlandaises. Sa seule spécificité, au même titre que pour la trentaine de minorités ethniques en Thaïlande, est que le programme scolaire permet de consacrer 10% des heures de cours à l’enseignement du «contenu local». Certains enseignants considèrent que c’est une opportunité pour expliquer le mode de vie traditionnel aux jeunes en leur enseignant à être fiers de leur culture. Par exemple sur l’île de Koh Surin, sur les trois enseignants, une enseignante est d’origine Moken. Elle utilise la langue Moken pour aider ses élèves à s’adapter au programme thaï, en utilisant également le pourcentage d’heures de cours consacré à la culture.
L’école de l’île de Koh Chang est, pour sa part, fortement impliquée dans la collecte et le tri des plastiques.
Un local y a été construit (sur financement Jan & Oscar et fondation Madeleine) et des enfants responsables de la coopérative scolaire gèrent le budget lié à la collecte.
Ainsi, avec le plastique trié et pesé, représentant une valeur en fonction de sa catégorie et de son poids, les enfants contribuent à alimenter la coopérative au profit de projets de l’école.
L’implication est forte. Cette sensibilisation des nouvelles générations devrait permettre de maintenir un assez bon degré de biodiversité à Koh Chang.
Cet élan doit toutefois s’associer à une attitude responsable d’autres acteurs. Les consommateurs de plastique du continent, les producteurs d’emballages, ainsi que les politiques environnementales.
Repenser nos usages
Comme l’indique la Fondation Tara Océan, l’essentiel est de repenser nos différents usages. Il faut engager la transition écologique vers d’autres matériaux et poser comme vision pour l’avenir celle du “zéro plastique dans la nature”.
Il est essentiel pour cela :
- D’augmenter le réemploi des plastiques collectés en améliorant les performances recyclage. Ceci est initié avec la fondation Jan & Oscar et l’association Tide Ocean, et devra être développé à grande échelle sur le continent.
- De réduire et de supprimer les plastiques problématiques, à usage unique ou inutiles, et de développer leur substitution.
En effet, en 2019, le rapport du WWF indiquait que d’ici 2030, la production mondiale de déchets plastiques pourrait augmenter de 41 %. La quantité accumulée dans l’océan pourrait doubler. Il y aurait alors davantage de plastiques que de poissons dans les océans. Sans relais important de l’ensemble des consommateurs et producteurs de plastiques, la tâche menée par les collecteurs, déjà énorme, serait décourageante,
Quelques activités qui pourraient être menées au profit des enfants du continent
Il est donc urgent que les populations se responsabilisent et se mobilisent. Les enfants du continent doivent être sensibilisés pour être des acteurs efficaces. Ce seront eux qui vivront à l’âge adulte les effets de la pollution et de la perte de la biodiversité.
Un recueil d’activités pour les sensibiliser a été réalisé sur le site code océan afin d’en proposer quelques-unes au profit d’élèves de fin de cycle primaire et de secondaire, pour qu’ils s’interrogent, agissent et deviennent militants.
Évidemment, ces activités sont loin d’être exhaustives. Il est essentiel que chacun imagine le rôle qu’il peut jouer pour restaurer une biodiversité dégradée, afin que l’ensemble des milieux naturels qui constituent le tissu vivant de notre planète continuent à exister et à nos offrir tous les services que nous rend la nature.
MeridiE s’efforce également de contribuer à rapprocher la fascination de la nature de la nouvelle génération. N’hésitez pas à visiter notre page sur LinkedIn, et à contribuer à nos efforts de collecte de fonds.
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