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Consultants de tous les pays, unissez-vous !

Consultants de tous les pays, unissez-vous !

Par le collectif Make the Coop Great Again

Le monde de 2020 ressemble à la banquise : des morceaux de glace éparpillés se disloquant au gré du vent et des courants. Un archipel glacé et glaçant.

Un ours polaire consultant dans les méandres de l’aide internationale

De même l’aide au développement est fragmentée en unités éparses de projets, programmes financés par les bailleurs de fonds, c’est le constat préliminaire. Les bailleurs de fonds forment autant d’îlots nécessaires. Mais les choses avancent, au moins l’UNESCO, l’UNICEF et la Banque Mondiale se sont « unis » pour réaliser une étude sur l’impact du COVID sur l’éducation.

Au milieu de ce paysage lunaire, les ours polaires, consultants, errent. Ils cherchent à glaner leurs proies, les projets et marchés représentés par des phoques.

Assis au bord du trou d’eau, l’ours polaire consultant attend son marché phoque.

Aux premiers frémissements et ondes de l’eau, l’ours se positionne toutes griffes dehors.

Des phoques marché attendant qu’on manifeste un intérêt.

Mais tout ce qui brille n’est pas or. Entre le moment où les projets sont pensés, conçus et  le moment où le projet est mis en œuvre, beaucoup de glace aura fondu. Bien souvent les délais pour répondre à des offres pour candidater à des postes de consultants individuels sont très courts.  Une fois les projets enclenchés les bailleurs de fonds fixent des délais irréalistes pour les réaliser. De manière systématique l’ours polaire a peu de temps pour manger et digérer sa proie. C’est le premier constat : les délais d’exécution des projets sont contraires à la qualité des réalisation

Ensuite, l’ours polaire est solitaire, il ne chasse pas en groupe. Parfois il partage sa proie avec les ours bruns, les ours noirs, les grizzli, les consultants nationaux . Ceux-ci vivent plus au Sud dans les forêts et prairies ou les proies sont plus nombreuses mais plus difficiles à saisir . C’est le 2e constat la compétition entre consultants est encouragée au lieu de promouvoir la collaboration.

La question de rémunération. Les ours polaires sont astronomiquement rémunérés par rapport aux ours bruns et noirs, alors que parfois ils sont tous formés dans les mêmes universités, ils ont le même diplômes, etc. Les consultants nationaux sont moins bien payés que les consultants internationaux, c’est le 3ème constat.

Ce sont là des points bien établis pour qui connaît la banquise.  Les projets sont initiés par les représentants des bailleurs de fonds qui ont une couverture confortable et délicate, tels les manchots empereurs.

Les ours polaires, pourtant au sommet de la hiérarchie alimentaire car experts, sont peu associés à la conception des projets. Les manchots empereurs bailleurs n’exploitent pas (pour ne pas dire sous-estiment) vraiment les compétences des consultants nationaux alors que ceux-ci connaissent les us et coutumes, les méandres du terrain et sont de vrais référentiels pour les études de faisabilité et la mise en application des TDR. C’est le 4ème constat.

Une réunion de partenaires techniques et financiers

Le 5ème constat, c’est que les projets sont initiés par les manchots empereurs bailleurs et non par les ours polaires consultants.

Les réalisations de la communauté internationale en éducation sont des icebergs. La partie immergée représente le travail considérable des consultants.

Le travail des consultants n’apparaît pas sur les radars

Dans tous les cas, le travail des consultants représente entre 70 et 90% de la production intellectuelle. Le rapport de suivi de l’éducation pour tous, les analyses, plans sectoriels de l’éducation , les évaluations de programmes et de projets, les études et recherches sont tous réalisés par des consultants. La rigidité des manchots empereurs bailleurs n’arrange pas souvent le travail des consultants. Il faudrait appeler les bailleurs à une certaine flexibilité et dialogue franc entre les manchots empereurs et les consultants.

Un consultant une fois son rapport rendu

C’est le 6ème constat l’aide au développement en éducation est Ubérisée, car telle va la marche du monde .

 Les consultants ne sont pas toujours crédités au générique ni remerciés. Leur contribution est souvent ignorée, négligée et invisible. Sur la banquise l’ours polaire est camouflé. Les termes de référence ne sont pas toujours respectés et ont tendance à l’inflation. En cours de contrat, les clients rajoutent des tâches qui n’étaient pas prévues au départ à tel point que le phoque marché enflé ne passe plus à travers le trou dans la glace.

Ainsi vient le 7ème constat : les consultants ne sont pas bien reconnus, ni appréciés dans leur travail par les bailleurs de fonds et la communauté éducative.

 Ne parlons pas de la réputation des consultants ours polaires auprès du public  Ils sont vus comme de grands prédateurs de l’argent public. Ne m’a t-on pas dit une fois « qu’ils étaient là seulement pour faire de l’argent ».

Voici le 8ème constat la profession de consultant jouit d’une très mauvaise image auprès du public.

Il existe pourtant des raisons d’espérer. Par exemple j’ai reçu dernièrement une évaluation de mon travail par l’UNICEF par le biais d’un document formel. C’est la première fois en 10 ans que j’exerce ce métier que je reçois un tel feedback, fort bienvenu.

Si le management par la pression, la culpabilisation et la menace n’est pas rare, il y a aussi des bailleurs de fonds qui gèrent très bien les consultants avec respect, tact, et bienveillance. Mes clients actuels me traitent bien.

Ces gentils manchots empereur n’ont pas peur de se jeter à l’eau.

J’ai aussi reçu de la part de la Banque mondiale un questionnaire sur mes conditions de travail et mon bien-être  La Banque mondiale a aussi organisé un réseau des consultants court terme avec des élections des représentants.Sinon et c’est le 9e constat, les consultants ne sont pas bien organisés collectivement .

Certes chaque consultant dispose de son propre réseau où l’on s’échange informations, projets, postes, techniques, données et amitiés. Mais ceci n’est pas bien formalisé de la part des consultants.

Deux consultants qui coopèrent

Pour faire valoir leurs droits les ours polaires devraient pouvoir s’assembler et s’unir.

En effet, il y a fort à dire sur les droits des consultants. Que ce soit du point de vue des bailleurs de fonds institutionnels ou des sociétés privées ,le consultant peut voir résilier son contrat quasiment sans motif. Il a très peu d’aide pour se retourner contre ses clients et aucune assistance juridique éventuelle. En cas de problèmes, il ne peut pas se défaire de son contrat sans en payer certaines conséquences en termes de réputation notamment.

Bien sûr la situation des consultants n’est pas trop à plaindre. L’ ours polaire est un privilégié qui mange à sa faim (mais paye beaucoup d’impôts). Son sort est sans commune mesure avec celui des ouvrières textile du Bangladesh, des femmes de ménage philippines dans les pays du Golfe, des ouvriers qui sont sur les chantiers au Qatar,  des mineurs indien au Népal ou des enfants dans les mines du Congo. Mais ce n’est pas parce que la situation est relativement confortable qu’il faut s’en satisfaire à 100 %.

Avez-vous déjà vu un ours polaire en colère ? Ce n’est pas rare dans l’archipel du Svalbard. Ses cris qui résonnent au lointain dans la banquise ne sont pas toujours entendus. Quand ils le sont c’est trop tard.

Un consultant en colère

C’est le 9e constat la voix des consultants n’est pas assez entendue dans le concert de l’aide internationale en éducation

Les ours polaires auraient tout à gagner à chasser en groupe, à s’unir, a parler d’une même voix. Mais ils ne disposent pas des moyens de le faire. C’est le 10e et dernier constat : il n’existe pas vraiment d’association ou de syndicats des consultants en éducation. Pourtant les consultants sont des personnels de l’éducation comme les autres. L’ ours polaire fait partie de la banquise et de l’écosystème arctique. Il en est un maillon essentiel.

Des consultants groupés

Ces constats ne sont pas personnels, ils sont partagés par de nombreux consultants . Si vous voulez, comme le dit François Truffaut dans le film Rencontre du 3ème type « Ecoutez Major Welch, c’est un phénomène sociologique ».

Se complaindre n’est pas suffisant et nous les ours polaires consultants sommes force de propositions et de revendications.

  1. Premièrement nous souhaitons que notre travail soit mieux reconnu par les différentes institutions, que notre contribution à l’assistance technique au développement soit enfin à mesurée et communiquée à hauteur de nos efforts.
  2. Deuxièmement nous voulons être impliqués plus en amont à la conception et à l’instruction des projets et des programmes. Nous devons en particulier pouvoir faire des commentaires sur les TDR (Termes de Référence) et qu’ils soient vraiment pris en compte
  3. Troisièmement nous demandons à être traités avec dignité, respect, courtoisie et bienveillance. Des formations à l’éthique du travail et au management des consultants sont à organiser à destination des organisations internationales. Que ces aspect soient prises en compte comme critères d’évaluation de leur travail.
  4. Quatrièmement nous appelons à un meilleur travail en équipe entre consultants. Que l’on prenne soin de la compatibilité entre personnes au moment de la création des équipes. Que des consultants nationaux soient systématiquement impliqués en binôme dans les projets. Le COVID et la limitation des voyages internationaux les rendent de toute façon incontournables.
  5. Cinquièmement nous requérons de pouvoir nous organiser en association ou en syndicat pour faire valoir nos droits et cela sans mesures de rétorsion des clients.

Pour toutes ces raisons et compte tenu de tout ce qui précède nous appelons de nos veux la création d’une section « consultants » auprès de l’Internationale de l’Education .

 

 

This Post Has 2 Comments

  1. Christian Asse

    Une très bonne initiative permettant la coopération et l’échange autour de notre métier. Merci Pierre