Synthèse sur l’intervention lors du 60ème anniversaire de l’Union des Syndicats des Travailleurs du Niger, l’USTN, le 25 septembre 2020, à l’hôtel Radisson Blu de Niamey.
Par Issoufou BOUBACAR KADO MAGAGI
Le syndicalisme dans certaines régions du monde
En Afrique de l’Ouest, le syndicalisme a connu un développement particulier. Contrairement à Europe, il n’est pas né dans un contexte industriel et s’est développé sur le champs politique. Le prolongement du pluralisme syndical international a atteint l’Afrique de 1945 à 1955.
En France, nous avions la Fédération Syndicale Mondiale (FSM), la Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL), la Confédération Mondiale du Travail (CMT), la Confédération Générale du Travail (CGT), la Confédération Générale du Travail Force Ouvrière (CGT /FO), la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT). En Belgique, la Fédération Générale des Travailleurs Belges (FCTB), la Confédération des Syndicats Chrétiens Belges (CSC).
En Afrique, la Confédération Générale des Travailleurs Africains (CGTA), la Confédération Générale des Travailleurs Force Ouvrière (CGTA/FO), la Confédération Africaine des Travailleurs Chrétiens (CATC).
A la fin de la dernière guerre mondiale le non-respect de la promesse solennelle de la décolonisation avait amené certains progressistes africains à s’organiser pour réclamer avec insistance :
- la suppression du travail forcé
- la suppression du système de fourniture obligatoire
- l’autorisation du droit de création des partis politiques
- l’obtention du droit de création des organisations syndicales
- la promulgation d’un code de travail en faveur des travailleurs salariés.
C’est ainsi qu’en 1946 fut créé le Rassemblement Démocratique Africain, le RDA. En 1956 la loi cadre, loi Gaston Defferre, fut promulguée. Elle interdisait le travail forcé. En 1957 l’Union Général des Travailleurs de l’Afrique Noire, l’UGTAN, qui défendait la cause de l’Indépendance immédiate, fut créée.
L’Union Panafricaine des Travailleurs Croyants (UPTC) qui défendait la cause de la communauté française fut également créée dans la foulée. Au referendum Gaulliste de 1958 le RDA éclata, Djibo Bakary avait fait campagne pour « le non », Diori Hamani avait fait campagne pour le « oui ».
En 1961 le groupe politique dit de Casablanca vit le jour. Puis une centrale syndicale panafricaine appelée Union Syndicale Panafricaine (USPA) qui regroupait en son sein les tendances syndicales internationales, à savoir : la Fédération Syndicale Mondiale, la FSM, la Confédération Internationale des Syndicats Libres, la CISL, et la Confédération Internationale des Syndicats Chrétiens, la CISC, fut créée. Avec la création du groupe politique dit de Monrovia en 1962, seuls les groupes FSM sont restés dans l’USPA, qui sera pratiquée dans les pays du groupe de Casablanca.
Les tendances CISL et la CISC se retrouvaient dans la Confédération Syndicale Africaine (CSA) créée par le groupe de Monrovia. En dehors de l’USPA et de la CSA, certaines centrales syndicales africaines étaient restées autonomes. Ce n’est qu’en 1973 qu’elles s’étaient ouvertes en vue de la réalisation de l’unité syndicale africaine. D’où la création de l’Organisation de l’Unité Syndicale Africaine, l’OUSA. Tous les anciens groupements syndicaux comme Union Panafricaine des Travailleurs Croyants, l’UPTC, Union Syndicale Panafricaine, l’USPA, la Confédération Syndicale Africaine, la CSA et autres centrales autonomes étaient venus se fonder pour créer l’OUSA.
Si dans les pays européens le mouvement syndical avait évolué dans la révolution industrielle, chez nous en Afrique il avait pris forme dans la lutte politique. Dans la lutte politique pour la décolonisation des anciennes colonies, le mouvement syndical avait joué un rôle important, il était à l’avant-garde de toutes les lutte. Le mouvement syndical avait donné au Niger ses premiers dirigeants politiques. La majorité des dirigeants politiques nigériens étaient passé par le syndicalisme avant de venir à la politique.
Colonisation et syndicalisme en Afrique
L’Histoire du mouvement syndical nigérien est liée au processus général de la colonisation et de sous-développement que connait l’Afrique francophone. « Au Niger le syndicaliste militant adroit et agressif n’était encore qu’un « individu » d’une espèce assez rare qui aurait même tendance à rencontrer une certaine méfiance, voire une certaine hostilité de la part de ses congénères… ». Telle est la situation du mouvement syndical d’après cet extrait d’un rapport confidentiel de la 4ème brigade d’AOF (État-major 2ème bureau N° 625/2/RENS 12) mis à jour le 1er octobre 1955. Donc dans les années 1955 un seul leader avait émergé malgré l’abondance des syndicats et d’associations diverses. Il s’agit de Djibo Bakary, qualifié de chef de classe par les colons.
De 1946 à 1947 il existait d’une part une union syndicale très influente et combative (union des syndicats confédérés du Niger USCN/CGT) dirigée par DJIBO BAKARY et d’autres par un ensemble d’Unions ou de Syndicats divers peu actifs. La création d’une centrale syndicale dénommée Union Générale des Travailleurs d’Afrique noire (UGTAN) en 1957 consacra l’unité et l’autonomie du mouvement syndical africain des territoires sous domination française dont le Niger faisait partie.
Malheureusement ce regroupement ne fut que de courte durée avec l’avènement des pays africains à l’Indépendance à cause des rivalités politiques. D’où la création de l’union des travailleurs du Niger, la centrale syndicale (UNTN), en septembre 1960, devenue en 1976 au 9ème congrès Union des Syndicats des Travailleurs du Niger (USTN).
Malgré la diversité des organisations syndicales de 1946 à 1957, toutes unies ont lutté pour arracher les acquis que nous avons aujourd’hui : le code du travail, la sécurité sociale, les congés payés, les allocations familiales, la protection contre les accidents du travail, les maladies professionnelles, les retraites vieillesse, les indemnités de licenciement etc.…
De 1960 à 1974 la centrale syndicale UNTN n’a pas pu s’affirmer à cause des relations parties syndicats (UNTN – PPN/ RDA).
De 1974 à 1978 nous avons assisté à des tentatives en vue de rompre avec le passé syndical très léthargique et de donner une nouvelle orientation à la centrale USTN. Au 10ème congrès tenu à Niamey du 25 au 30 septembre 1978, l’USTN opta pur une politique de participation responsable, c’est-à-dire, une politique de dialogue de concertation et de construction tout en gardant son autonomie vis-à-vis du pouvoir en place.
Les changements au sein de la structure syndicale nigérienne
C’est à partir de 1989, après avoir surmonté habilement de nombreuses difficultés et surtout ses contradictions internes dues à la diversité des syndicats qui le composent, que le mouvement syndical nigérien a pris ses responsabilités devant l’histoire et les travailleurs comme ce fut le cas en 1953.
Soutenue par le climat de décrispation qui sévissait dans le pays, le réalisme du Général Ali Chaibou, le vent de démocratie qui soufflait dans le monde entier, cette détermination a trouvé consécration.
Ainsi l’USTN avait intensifié les luttes pour la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs qui étaient gravement compromis à cause de la situation socio-économique difficile : mais surtout pour l’instauration de la démocratie au Niger. C’est dans ce contexte que le pouvoir de la 2ème République a été contraint à autoriser la création des partis politiques et l’organisation d’une conférence nationale souveraine.
Maintenant qu’il est clairement établi que la victoire n’est acquise que dans l’action et dans l’unité, les travailleurs nigériens ne devront jamais oublier ces facteurs essentiels (unité, abnégation) aux succès des luttes engagées depuis 1990.
Quelques considérations
Finalement, pour éviter que le mouvement syndical ne soit soumis aux influences contradictoires des partis politiques. Il serait très souhaitable que les responsabilités dans les bureaux exécutifs nationaux des partis politiques soient considérées comme incompatibles avec les responsabilités au sein des bureaux exécutifs nationaux des syndicats, de leurs sections, sous-sections et de la centrale.
« Car, au sein d’un mouvement syndical digne de ce nom, il n’y a pas et il ne saurait avoir de place pour les compromissions, ni pour les tricheries qui sont monnaie courante de plusieurs formations politiques », selon les paroles du Doyen, Djibo Baakary, le 6 novembre 1990, à la conférence syndicale tenue devant la Bourse de Travail. Cela, pourtant, n’exclut pas un débat permanent contradictoire pour aboutir à des compromis nécessaires et acceptables pour toutes les parties.
Le nombre des centrales syndicales ne fait que s’accroitre, au nombre de quatorze actuellement, et surtout certaines sont créées de toutes pièces par des partis politiques. Donc, après cette constatation, une problématique : se dégage : comment organiser les luttes efficaces dans l’unité d’action ?
Fête de commémoration des 60 ans de l’USTN
Veuillez trouver ci-dessous quelques photos prises par notre contributeur et syndicaliste à l’USTN, Baraou Garba.
Voir aussi : https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/—ed_dialogue/—actrav/documents/publication/wcms_143550.pdf