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L’apprentissage de la lecture au Mali

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Ce post résulte d’une mission de consultation menée au Mali du 29 mars au 3 avril 2010 et n’engage pas les organisations citées mais seulement l’auteur.

Le 1er avril 2010 une présentation des résultats de l’étude EGRA sur la lecture s’est déroulée à Bamako en présence de nombreux représentants de la société civile. L’atelier avait pour objectifs de mobiliser le corps social (enseignants, parents d’élèves, communautés, …) en faveur de la lecture en provoquant une prise de conscience à partir de résultats d’évaluation.

Pour faire court, écoutez ce reportage diffusé sur une radio malienne:  JP DU 1 AVL 10 13H

Après cinquante ans d’indépendance, le constat sur le niveau des élèves dans les premières années d’enseignement est amer. Plus de 80% des élèves ne sont pas capables de lire un mot correctement en 2ème année que ce soit en français ou dans les langues nationales.

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68% des élèves de 4ème année ne sont pas capables de lire à haute voix la phrase « Mon école est jolie ».

Même après six années d’études, beaucoup d’élèves ne savent pas lire. Le tableau ci-dessous présente clairement l’évolution des capacités de lecture en français au cours du cycle, entre filles et garçons et selon le type d’écoles. Les écoles « curriculum » sont des écoles utilisant les langues nationales jusqu’en 3ème année avant de basculer vers le français. Les écoles classiques n’enseignent qu’en français. L’indicateur est le nombre de mots lus par minute à partir d’un texte simple, une petite histoire.

A partir d’un seuil établi à 45 mots par minute par les spécialistes des neurosciences puis validé empiriquement par des études menées dans divers pays, les élèves sont plus à même de passer du stade d’une lecture autonome et peuvent davantage « lire pour apprendre ». Si les capacités de lecture des élèves augmentent au cours du cycle, même en sixième année, on est loin du seuil à partir duquel la lecture devient plus automatique.  La chance ou la probabilité pour qu’un adulte soit alphabétisé durablement après six années d’études n’est que de 54% au Mali, selon les enquêtes réalisées auprès des adultes. Cela se traduit par un fort taux d’analphabétisme dans la population (77% de la population des plus de 15 ans), un des plus élevés au monde. Voir la fiche pays du Pôle de Dakar sur le Mali. Néanmoins, les écoles privées et certaines école publiques obtiennent de bons résultats et il est donc possible d’apprendre à lire au Mali !

Les résultats en français des écoles curriculum utilisant les langues nationales au départ ne sont pas vraiment différents de celles où l’enseignement n’est qu’en français. Un intérêt des études EGRA au Mali réside dans la passation des tests de lecture dans quatre langues nationales (le Bamanankan, Bomu, Fulfuldé et Songhoï). Les résultats dans les langues nationales des élèves de deuxième année sont aussi bas que ceux du français, avec deux mots lus par minute en moyenne. Ce pays francophone a depuis de nombreuses années introduit les langues  nationales dans l’enseignement. La « pédagogie convergente » a été en particulier utilisée. Les langues nationales ne sont pas la panacée et il faut chercher les raisons d’un tel gaspillage.

Parmi les hypothèses généralement avancées, la question du niveau des enseignants revient souvent. Le Mali a fait largement appel aux enseignants contractuels et communautaires qui représentent 70% des enseignants. Recrutés au niveau BEPC ou BAC, les enseignants contractuels n’ont qu’une formation de quelques semaines. Or, les réformes pédagogiques sont allées bons train au Mali et le décalage entre la théorie et la pratique sur le terrain est criant. L’enseignement en classe est largement basé sur la répétition et la transcription de textes écrits au tableau. L’association entre lettres et sons n’est pas bien enseignée dès le départ.

Au niveau des manuels scolaires, comme dans les autres pays, les élèves des classes de fin de cycle sont mieux dotés que ceux de 2ème année par exemple, qui ne sont qu’un quart a avoir des manuels, selon leurs propres déclarations. Si on ajoute à cela des effectifs pléthoriques, les conditions d’un bon apprentissage de la lecture dès les premières années ne sont pas réunies. Le temps d’enseignement peut être également invoqué comme facteur limitant les acquisitions des élèves. De plus, des représentations fortes parmi les enseignants grèvent les moyens d’actions en faveur de la qualité. Bon nombre d’enseignants fixe mentalement à l’âge de 8 ans le moment à partir duquel les enfants peuvent véritablement apprendre à lire.

Le modèle classique de scolarisation montre ses limites et les pouvoirs publics n’arrivent pas à redresser la situation. Faut-il rester les bras croisés face à cette situation ?

Lors de l’atelier, des discussions ont permis de débroussailler le terrain pour améliorer la situation. L’implication des communautés apparaît un élément clé et les stratégies proposées par les participants (en majorité des ONG) dépassent le strict cadre des murs de  l’école. Pour les participants, un encadrement (tutorat) par les pairs plus âgés peut contribuer à relever le niveau et à revaloriser le rôle des tuteurs ou en faire des modèles sociaux.

Les extraits ci-dessous en gras sont les messages produits par les participants de l’atelier.

« Cher parent, trouve un tuteur, soit juste, aide les enfants afin qu’ils lisent mieux. Nos enfants ne savent pas lire, ne compromettons pas leur avenir, impliquons nous. »

« La lecture est le plier de la connaissance, or nos enfants ne savent pas lire. Aidons- les à surmonter cette difficulté par le tutorat car la connaissance est la base de tout développement. »

Mais consacrer plus de temps à l’enseignement n’est pas toujours bien accepté par les parents pour lesquels les enfants travaillent parfois. C’est une barrière à surmonter. La mise en place de mesures de remédiation ciblant les élèves les plus faibles a été aussi citée comme un moyen.

Selon ce schéma, les parents viennent épauler voir se substituer à un système public défaillant. Ainsi, pour parvenir à mettre en œuvre de telles actions, il faut aboutir à un consensus entre enseignants, parents et communautés. Les questions de communication apparaissent incontournables. La décentralisation des responsabilités au niveau des communes et la mise en place des Comités de gestion (CGS) apparaît un terrain favorable à davantage de dialogue sur l’éducation au niveau local. Dans la pratique, les CGS ne sont pas tous fonctionnels et même si la loi d’orientation leur donne des prérogatives, sur le terrain, les parents ne sont pas bien outillés pour se mêler des questions de pédagogie par exemple.

« Les enfants sont l’avenir de nos familles et nos communautés pour cela, nous ne devons compter ni le temps, ni les moyens pour aider les directeurs et les maîtres à avoir un bon rendement. Le niveau des enfants en lecture étant très bas, nous ne devons pas nous permettre d’échouer car l’avenir de nos enfants et du pays en dépend. »

Le but de cet atelier sur la communication et de la mobilisation sociale est précisément de replacer l’apprentissage de la lecture au centre de l’école primaire, en faire un cheval de bataille. Le parti pris est que si les parents sont en mesure de voir si leurs élèves savent lire (à partir de la cadence de diction), ils pourront demander des comptes aux directeurs, enseignants, et interpeller la communauté éducative. Les stratégies purement gouvernementales ont montré des limites. Il faut produire des messages simples et clairs, qui vont droit au but et touchent les communautés, via les radios locales par exemple.

« Chers enseignants, la réussite de vos élèves c’est la votre. Améliorer la qualité des apprentissages des élèves en lecture par l’identification des élèves en difficultés de lecture et l’organisation des cours de rattrapage une fois par semaine par le maitre en impliquant les parents d’élèves. »

L’article wikipédia sur l’éducation au Mali est de bonne qualité, voir ici.

Crédit photos : rapports EGRA Mali, wikipédia pour la première photo.

Cet article a 4 commentaires

  1. RAKOTOBE Yolande

    Madagascar a les memes problemes. En plus nous avons maintenant de gros problemes politiques qui ont dure voila une annee. Nous avons commence a
    mettre en place la reforme de l’education en dotant les elves du primaire de livres de lecture complementaires. J’ai peur que les livres soient encore dans les cartons car les enseignants n’ont pas eu le temps d’etre forme. Nous avons une ONG qui (si on a les financements) aimerait intervenir et former les enseignants a apprendre les eleves a aimer lire. Nous souhaitons partaager nos experiences si tout va bien. Et merci d’avoir partage votre article.

    1. education_south

      Bonjour, surtout n’hésitez pas à partager votre expérience sur la lecture via ce blog si vous le souhaitez.

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