Leila Ferrali, Pierre Varly
Après les articles sur la sélection et la formation initiale des enseignants, voici un post sur leur formation continue.
Objectifs des activités de développement professionnel
Les activités de développement professionnel des enseignants ont pour objectif de maintenir, approfondir ou élargir le spectre de compétences et de connaissances des enseignants, adapter les pratiques pédagogiques selon la diversité des profils et niveaux d’apprentissage des élèves, accompagner l’introduction d’innovations en classe dont l’efficacité pédagogique a pu être prouvée scientifiquement, telles que l’usage des TIC comme outil de différentiation pédagogique, ou l’intégration de nouveaux contenus d’enseignement au sein des curricula.
Ainsi, les activités de développement professionnel peuvent servir différents objectifs (OCDE, 2005) :
- Accompagner et faciliter la mise en œuvre de nouvelles réformes éducatives.
- Préparer les enseignants à nouvelles fonctions ou à de nouvelles pratiques, outils et contenus pédagogiques dont faire usage dans leur enseignement.
- Répondre aux besoins spécifiques d’un établissement scolaire.
- Répondre à une démarche personnelle d’un enseignant qui souhaite améliorer ses compétences ou acquérir une certification complémentaire.
Typologie des activités de développement professionnel
Parmi les activités de formation continue recensées se trouvent (Wahlgren, 2012) :
- Les formations de courte-durée ciblant des compétences spécifiques,
- Les formations dispensées au sein des écoles et visant à approfondir des connaissances, compétences et attitudes plus complexes,
- L’apprentissage par les paires et le mentorat,
- L’évaluation par les élèves de l’enseignant,
- Les programmes intégrés de formation.
Efficacité de la formation continue
Les programmes de formation continue qui s’avèrent les plus efficaces pour améliorer les apprentissages des élèves sont ceux qui s’ancrent dans la durée et sont réalisées in situ, adoptent une pédagogie active, s’appliquent à des situations réelles d’enseignement, et introduisent une approche collaborative d’apprentissage entre enseignants (Darling-Hammond, 2009).
En effet, l’analyse des activités de formation continue au sein des pays développés montre que le caractère pratique, spécifique et continu d’une formation est la clé de son efficacité. Pratique, en ce que la formation apporte des méthodes pédagogiques concrètes et non théoriques et que la formation se base sur des situations d’enseignement réelles. Spécifique en ce que le programme de formation cible les méthodes pédagogiques spécifiques à une discipline donnée. Continue en ce que les enseignants sont accompagnés dans la durée, et sont à même de mettre leurs apprentissages en pratique (Popova, 2016).
A l’inverse, les formations courtes et trop théoriques n’ont que peu d’impact, et ne permettent pas à l’enseignant de mettre en œuvre les acquis de sa formation en classe. L’accompagnement personnalisé des enseignants et les formations réalisées en alternance s’avèrent efficaces pour apporter les compétences et les changements de pratique attendues en classe (Wahlgren, 2012).
L’apprentissage par les pairs et le mentorat/coaching sont deux approches de formation qui se sont avérées efficaces pour améliorer non seulement les pratiques des enseignants en classe mais également les apprentissages des élèves. Ces approches sont basées sur l’observation en classe des pratiques enseignantes, et l’orientation par des conseils individualisés (Kraft, 2016). L’analyse de l’impact de différentes interventions de formation continue en Afrique vient confirmer l’effet positif du mentorat et de l’accompagnement des enseignants par leurs pairs en classe (Conn, 2017).
Contexte de la formation continue au sein des pays en développement
Dans le contexte des pays en développement, la formation continue peut être un moyen efficace pour compenser la faible qualité voire l’absence de formation initiale qui caractérisent souvent le corps enseignant.
Cependant, le recours à la formation continue est très rare, et reste souvent limité à des formations de courte-durée impulsées au niveau central par le Ministère de l’éducation pour accompagner des réformes majeures, comme par exemple l’introduction de l’approche par les compétences au sein des programmes d’enseignement. En effet, si le coût de ces formations peut être prohibitif, l’évaluation-diagnostic des besoins de formation des enseignants, responsabilité attribuée aux directeurs d’établissement et aux inspecteurs pédagogiques, reste une pratique encore peu institutionnalisée. A cette fin, en Guinée Bissau en 2010, l’UNESCO a appuyé une évaluation de tous les enseignants (recensement) en termes de compétences académiques en portugais et mathématiques et en compétences pédagogiques (questionnaires) afin de créer des profils d’enseignants appelés à suivre des modules différentiés de formation continue, Benavente et Varly (2010).
L’efficacité des formations à distance
Avec l’avènement du numérique, et l’augmentation constante des taux de pénétration de la téléphonie mobile et d’internet dans les pays en développement, la formation à distance peut représenter un choix politique avantageux pour les gouvernements. Ce format permet de dépasser les contraintes d’accès, liées à l’éloignement des centres de formation, et représente une solution plus efficiente, grâce aux économies d’échelle réalisées.
Les formations par les TIC des enseignants adoptent des modes et des supports variés. Cela s’étend de l’intégration des contenus-web au sein de sessions de formation en présentiel, jusqu’à la mise en place d’une plateforme d’apprentissage en ligne accessible à l’ensemble du corps enseignant.
Cependant, le recours aux nouvelles technologies en éducation ne constitue pas un remède en soi. Afin que les enseignants puissent retirer tous les bénéfices pédagogiques des dispositifs de formation à distance, les décideurs politiques doivent prendre en compte les spécificités du contexte. De même, les formations à distance ne peuvent se défaire d’une médiation humaine, pour assurer le suivi et l’encadrement de l’enseignant dans son parcours d’apprentissage.
Si la formation à distance des enseignants, médiée par les TIC offrent de nombreuses opportunités, l’évaluation de l’impact de tels programmes de formation sur les compétences tant des enseignants que des élèves est encore rare.
La formation ouverte et à distance des enseignants de cycle primaire en Indonésie
En 2005, l’Indonésie promulguait une loi, « Teacher and Lecturer Law », qui est venue consacrer la priorité donnée par le gouvernement à l’amélioration de la formation des enseignants, en nombre et en qualité.
Dans ce contexte, près de 1,1 million (92%) d’enseignants du primaire ont dû mettre à jour leurs qualifications. Afin d’accélérer les efforts de formation et atteindre l’ensemble des enseignants répartis sur le territoire national, le gouvernement indonésien a initié en janvier 2007 le programme HYLITE (Enseignement Hybride pour les Enseignants Indonésiens).
Les enseignants démarrent la formation par une période résidentielle au sein d’un campus, où ils bénéficient de séances de tutorat en face à face, qui visent à les former aux compétences de base en informatique et à leur transmettre le matériel d’instruction écrit (cours théoriques, exercices et test d’évaluation) et les indications nécessaires pour accéder au matériel à distance (contenus audiovisuels, informatiques et web).
L’enseignant suit son programme de formation à distance en s’appuyant sur un ensemble de supports pédagogiques en ligne, et reçoit deux visites de son tuteur au cours de sa formation.
Un an après sa mise en œuvre, l’accès contraint à internet dans les régions reculées du pays et les compétences limitées en TIC de certains enseignants apparaissaient comme les difficultés premières à l’atteinte des objectifs de formation. Cependant, cette initiative gouvernementale a permis d’introduire un nouveau mode de formation, qui permet aux universités de dispenser des formations continues à distance aux enseignants en fonctions (Chang et al, 2014 ; Pannen et al., 2007).
L’Initiative pour la formation à distance des maîtres (IFADEM)
L’Organisation Internationale de la Francophonie et l’Agence Universitaire de la Francophonie ont créé en 2008 l’Initiative pour la formation à distance des maîtres, dite IFADEM. IFADEM est un dispositif de formation continue des enseignants en zone rurale et périurbaine, avec peu ou pas de formation initiale. Il s’agit d’un dispositif hybride qui conjugue des séances de formation à distance, et d’autres en présentiel, sous l’encadrement de tuteurs (inspecteurs, conseillers ou animateurs pédagogiques).
Les enseignants sont formés pendant 9 mois aux pratiques didactiques et pédagogiques du français et des mathématiques, ainsi qu’à la sensibilisation au développement durable et à la lutte contre les discriminations de genre en milieu scolaire. Les contenus de formation sont adaptés au contexte socioculturel de chacun des pays partenaires au projet.
A l’issue de la formation, les enseignants reçoivent une certification officielle, reconnue par le Ministère de l’Éducation nationale. Au Niger, IFADEM participe à l’intégration des enseignants contractuels sans formation initiale au sein de la fonction publique. L’obtention de la certification IFADEM équivaut à la validation de la partie écrite du Certificat Élémentaire d’Aptitude Pédagogique, requis pour être titularisé[1].
Conclusion
Les programmes de formation continue qui s’avèrent les plus efficaces pour améliorer les apprentissages des élèves sont ceux qui s’ancrent dans la durée et sont réalisées in situ, adoptent une pédagogie active, s’appliquent à des situations réelles d’enseignement, et introduisent une approche collaborative d’apprentissage entre enseignants. A l’inverse, les formations courtes et trop théoriques n’ont que peu d’impact, et ne permettent pas à l’enseignant de mettre en œuvre les acquis de sa formation en classe.
L’apprentissage par les pairs et le mentorat/coaching sont deux approches de formation qui se sont avérées efficaces. Le recours à la formation continue reste très rare, et reste souvent limité à des formations de courte-durée impulsées au niveau central par le Ministère de l’éducation pour accompagner des réformes majeures, comme par exemple l’introduction de l’approche par les compétences au sein des programmes d’enseignement.
Bibliographie
- Benavente A. et Varly P. (2010), Bilan de compétences des enseignants de Guinée-Bissau, UNESCO/BREDA.
- Conn, Katharine M. 2017. “Identifying Effective Education Interventions in Sub-Saharan Africa: A Meta-Analysis of Impact Evaluations.” Review of Educational Research (May 26).
- Darling-Hammond, Linda, Ruth Chung Wei, Alethea Andree, Nikole Richardson, and Stelios Orphanos. 2009. “Professsional Learning in the Learning Profession: A Status Report on Teacher Development in the United States and Abroad.” National Staff Development Council, Dallas.
- Kraft, Matthew A., David Blazar, and Dylan Hogan. 2016. “The Effect of Teacher Coaching on Instruction and Achievement: A Meta-Analysis of the Causal Evidence.” Working paper, Brown University, Providence, RI.
- Pannen, P., Riyanti, D.R., Pramuki, B.E., (2007), HYLITE Program: An ICT-based ODL for Indonesian Teachers Education. 11th UNESCO APEID Conference on Revitalizing Higher Education. Bangkok, Thailand.
- Popova, A., Evans, D., Arancibia, V., 2016. “Training Teachers on the Job: What Works and How to Measure It.” Policy Research Working Paper 7834, World Bank, Washington, DC.
- Unwin, T. 2004, Towards a framework for the use of ICT in Teacher Trainin in Africa, Open Learning: The Journal of Open and Distance Education
Royal Holloway, University of London
- Wahlgren B., 2012, What impact does teachers training have on the students’ performance? The effects of a teacher training program on students’ outcome. Danish National Center of Competence Development.
- World Bank, 2018, Learning to realize Education’s promise, World Development Report, Washington DC: IBRD/World Bank
[1] Informations disponibles sur le site-web IFADEM : http://ifadem.org/fr
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