Nous entamons une nouvelle série : la parole aux syndicats d’enseignants.
Interview de l’USTN et SYNACNI par Pierre Varly, le 13 mars 2020
L’USTN (l’Union des Syndicats des Travailleurs du Niger) est un des principaux syndicats au Niger qui représente notamment les enseignants. L’USTN à travers la personne de Baraou Garba a participé à l’étude sur les pratiques enseignantes au Niger.
Étaient présents : le secrétaire général à la formation syndicale de l’USTN Saidou Mamoudou, Baraou Garba chargé de l’organisation (SYNACNI affilié à l’USTN)) , Abdoulahi Adamaou Gado secrétaire général du syndicat SYNACNI (Syndicat National des Agent Contractuel du Niger) affilié à l’USTN.
La situation générale du système éducatif du Niger
PV : Quelle est pour vous la situation du système éducatif du Niger ?
USTN : Entre 2014 et 2018, le nombre d’écoles primaires publiques Niger est passé de 17 749 à 17 793 tandis que le nombre de classes est passé de 55 414 à 61 600. Le taux de croissance a été ralenti depuis 2017 car certaines écoles nomades très peu peuplées ont été regroupées pour former un seul établissement.
Les écoles dites communautaires gérées par les communes ont été rétrocédées à l’État. Il ne reste plus que 10 écoles communautaires à travers tout le Niger.
PV : Est-ce que le nombre d’écoles répond à la demande ? Est-ce que les efforts sont suffisants ?
Il faut reconnaître certaines difficultés car le Niger vit depuis un certain temps un climat d’insécurité, notamment à l’Est et récemment à l’Ouest. Beaucoup d’écoles sont en train d’être abandonnées et l’État est obligé de regrouper les élèves pour en faire de plus gros centres d’études.
PV : Lorsque l’on a fait l’étude sur les enseignants au Niger, on a vu des classes parfois avec très peu d’effectifs ?
A Diffa en 2016, on a même vu une école avec 3 enseignants pour 3 élèves. C’est une création politique, quand les hommes politiques vont en campagne ils font des promesses.
Ils créent des écoles et demandent que l’État affecte les enseignants, là c’est vraiment du gâchis.
PV : Quand on regarde les statistiques, le ratio élèves maître moyen n’est pas très élevé, mais il y a de fortes disparités et parfois des écoles à faible effectif dans le milieu rural.
Surtout dans les zones nomades alors que dans les capitales régionales, il y a une pléthore d’enseignants et la proportion maître élèves n’est pas respectée.
La question des enseignants notamment contractuels
L’effectif des enseignants craie en main au cycle de base 1 est passé de 63 688 en 2014 à 68 996 en 2018 suivant un accroissement annuel moyen de 2%. Sur la même période le nombre des femmes enseignantes est passé de 30 595 à 36 345. Avec une proportion des femmes enseignantes de 52,7% en 2018, on s’achemine vers une féminisation de la fonction enseignante, une situation à suivre de près dans les prises de décision.
Entre 2017 et 2018, l’effectif des enseignants contractuels a chuté de 59 123 à 50 351. Cela s’explique par l’évaluation des enseignants contractuels qui a été faite en 2017 et sanctionnée par le renvoi de près de 10 000 enseignants.
PV Qu’est-il advenu de ces enseignants ? Ont-ils été reversés dans d’autres services de l’administration ou simplement renvoyés ?
Dans les premières négociations avec les centrales, il était question que ces enseignants soient reversés dans d’autres corps de métier. Mais les négociations n’ont pas donné de fruits à partir du moment où un des syndicats de contractuels s’y est catégoriquement opposé.
Finalement les enseignants ont été abandonnés à leur sort et ceux qui ne correspondaient pas aux critères ont été renvoyés.
PV : Et en tant que syndicat, avez-vous pu suivre ce qu’il est leur arrivé, s’ils ont retrouvé un travail ?
Les capacités d’emploi au Niger étant faible certains ont rejoint le secteur informel et d’autres ont carrément quitter le pays.
PV : Pensez-vous que d’autres tests similaires vont être mis en œuvre dans le futur ?
Oui. Les dernières négociations avec les centrales en 2018 le principe d’un recrutement direct après un certain nombre d’années d’ancienneté a été retenu. Les tests continuent dans toutes les régions. Il y a une école normale d’instituteurs pratiquement dans chaque région. Les enseignants sont formés dans les écoles normales d’un à deux ans.
Le niveau et les formes du dialogue social
Depuis 1998 a été institué une commission nationale du dialogue social avec une commission tripartite : l’État, le secteur privé et les représentants des travailleurs.
Il y a aussi des comités sectoriels de négociation et aussi au niveau des centrales (syndicales), le comité national du travail et le comité national de dialogue social situé au niveau de la primature, avec les ministères techniques et les centrales syndicales.
PV Quel est le rythme des réunions ?
Même hier après-midi des négociations ont été ouvertes.
Chaque instance a son calendrier propre. En fonction des priorités des syndicats, un calendrier de travail est élaboré. Ce sont des commissions presque ad hoc. En janvier après l’ouverture, un calendrier est mis au point en fonction des préoccupations posées par les centrales.
Les capacités techniques du syndicat
PV Quelles sont les capacités techniques du syndicat ? Réalisez-vous vos propres études, recherches ou organisez-vous des formations auprès de vos membres ?
En termes de capacité technique, nous avons plusieurs départements qui élaborent la politique du syndicat et les partenariats.
Le département de l’organisation s’occupe du bon déroulement de toutes les manifestations.
Le département de la planification planifie les formations et s’assure de leur suivi. On peut faire appel à toute personne ressource pour la formation des membres.
Le département administratif s’occupe du suivi de carrière, le département des normes, de la préparation des négociations et des argumentaires. Le département de la promotion de jeunes est chargé des pépinières, de la syndicalisation des jeunes et de leur mobilisation. Il y a aussi un département de la promotion du genre et un département chargé de la coopération internationale et un département chargé du dialogue social.
Les formations s’organisent par paliers et portent sur le syndicalisme, la gestion des techniques syndicales et ensuite sur les thématiques de la mondialisation, du changement climatique.
Le syndicat organise la formation des animateurs.
La coopération internationale des syndicats
L’USTN collabore avec les organisations multilatérales comme l’Internationale de l’Education, l’ISP (internationale des Services Publics), la conférence mondiale de la profession enseignante, la FISE (Fédération Internationale des Syndicats de l’Education) entre autres.
En termes de coopération bilatérale, nous avons des échanges avec le Mali, Burkina Faso, le Bénin, la Côte d’Ivoire avec par exemple des voyages d’études. Il y a des ateliers organisés par l’Internationale de l’Education dans la sous-région.
Source de financement
Il y a les cotisations des membres, une subvention de l’État mais qui est insuffisante.
PV Avez-vous des appuis techniques ou financiers des bailleurs de fond (UNICEF ou bailleurs bilatéraux) ?
Les organismes internationaux sont réticents à appuyer les syndicats. Les hommes politiques sont réticents au financement des syndicats (risque d’agitation politique). Les relations sont très froides à ce niveau.
PV Lorsque l’on élabore les stratégies sectorielles ou les diagnostic RESEN, les syndicats pourraient être mieux formés par exemple aux modèles de simulation ?
Pour les RESEN en tant que tels, les syndicats ne bénéficient pas des financements, mais nous collaborons avec des ONG pour le lobbying, comme par exemple dans le réseau Education Pour Tous.
PV : Merci pour ces informations très pertinentes.
Pour plus d’infos sur l’école nigérienne suivre ces pages Facebook.
https://www.facebook.com/infos.education.sensibilisation/
https://www.facebook.com/La-Voix-des-Contractuels-du-Niger-1404236876266599/
Voir aussi : https://www.lepoint.fr/afrique/niger-mounkaila-halidou-un-syndicaliste-dans-la-tempete-29-03-2017-2115698_3826.php
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