Pierre Varly et Leila Ferrali
Qu’est-ce-que la valeur ajoutée d’un établissement ?
Un établissement rural qui scolarise des élèves de milieux sociaux défavorisés a moins de chance d’obtenir des résultats qu’un établissement urbain scolarisant des élèves de milieux aisés. La valeur ajoutée vient mettre ces deux établissements sur un même pied d’égalité en mesurant le niveau de départ et après la scolarité dans l’établissement.
La valeur ajoutée (VA) c’est la différence entre le niveau final et initial, c’est ce que l’établissement ajoute aux apprentissages d’un élève. Le terme est tiré des études économiques. Le principe est le même que celui d’une production d’usine. La qualité des produits finaux dépend de la qualité des intrants (matières premières) et les usines doivent être jugées sur la capacité à produire à qualité des intrants donnés. C’est le même principe qui est utilisé pour les établissements où la matière première ce sont les élèves.
Dans la littérature qui s’intéresse aux facteurs des apprentissages, l’effet-établissement regroupe à la fois l’impact exercé par le corps enseignant, par le personnel d’encadrement, tel que le directeur ou la directrice d’un établissement, et enfin par le modèle et les méthodes pédagogiques à l’usage dans l’établissement, plus communément appelé le projet pédagogique de l’établissement.
Capturer l’impact de ces trois dimensions sur la réussite de l’élève est un travail délicat. C’est pourquoi, afin de renforcer l’interprétation d’une mesure de valeur ajoutée (VA), il faut pouvoir disposer d’informations complémentaires au niveau de l’établissement ciblé, concernant le public d’enseignants et l’équipe gestionnaire, à travers l’administration de questionnaires, l’observation en classe, et la mise à disposition de données descriptives (diplôme, âge, ancienneté etc.).
L’analyse de la VA permet ainsi d’apporter des éléments de réponse concernant l’évaluation de l’action propre d’un lycée sur la réussite de ses élèves, en éliminant l’incidence des facteurs de réussite scolaire qui lui sont extérieurs et qu’ils ne maîtrisent pas. En somme, la VA représente ce que l’action propre du lycée a « ajouté » au niveau initial des élèves, il correspond généralement à l’écart entre le résultat observé à un examen de fin de cycle à celui attendu en fonction des caractéristiques du public d’élèves accueilli.
Illustration
A quoi ça sert ?
En tant que donnée brute, la VA peut être utilisée pour établir un classement entre établissements d’enseignement au niveau national.
Cette méthode est utilisée en France par exemple et bien documentée sur le site de la DEP : les indicateurs de résultats des lycées.
En France, le Palmarès 2019 des lycées selon leur valeur-ajoutée a été publié et commenté dans le journal, Le parisien.
Le Lycée Alfred Nobel, Clichy-sous-Bois en banlieue de Paris, est un exemple de Lycée à forte valeur ajoutée. Clichy-sous-Bois en Seine Saint-Denis est une commune relativement défavorisée sur un plan socioéconomique.
La culture de l’établissement promeut des liens de proximité entre le personnel éducatif et les élèves – « C’est l’œuvre des professeurs, qui perpétuent depuis des années l’idée de donner plus à ceux qui ont moins. C’est devenu une culture ici » selon la Proviseure, Nicole Ozeray. Parmi les mesures prises, il y a la mise en place d’une permanence d’aide aux devoirs et aux révisions ouverte dix heures par jour, la promotion d’activités culturelles : de théâtre, d’arts visuels, d’éloquence, la préparation aux concours de Science Po, Dauphine, des cours de culture générale. Tout ceci explique la réussite dans les classements en valeur ajoutée.
Le Lycée Haute-Follis de Laval a le plushaut score de valeur ajoutée pour l’accompagnement des jeunes dans leur scolarité. 90% des élèves de seconde passeront leur bac au sein de l’établissement . On y déploie une politique d’amélioration du climat scolaire, à travers la formation des professeurs/élèves à la médiation entre pairs afin de désamorcer les conflits et éviter qu’ils ne compromettent l’ambiance de classe (environnement d’apprentissage), et la mise en place d’un système d’alerte pour repérer les élèves en souffrance et trouver des solutions avec eux et leurs parents
Comment c’est calculé ?
Au Royaume UNI, le calcul de la VA au niveau des écoles primaires tient compte des résultats des élèves au test standardisé initial à la fin du premier cycle primaire (KS1), correspondant à la deuxième année, juste avant l’entrée au second cycle primaire (KS2), et des résultats au test standardisé à la fin du second cycle primaire (KS2), correspondant à la sixième année. Les deux tests mesurent à la fois les compétences et aptitudes des élèves en lecture, mathématiques et sciences.
Dans un premier temps, pour déterminer la VA d’un établissement, est définie au préalable la VA individuelle des élèves qui correspond aux résultats des élèves en sixième année comparés individuellement avec la médiane des élèves qui avaient les mêmes résultats initiaux (KS1). A la suite, les VA individuelles sont agrégées sous la forme d’une moyenne pour établir la VA de l’établissement.
Enfin, pour faciliter la lisibilité des résultats de VA des établissements, il est opéré une normalisation de ces derniers autour de la valeur 100, les VA positives se situant au-delà de 100 et les VA négatives en deçà. La consultation des VA par établissement est publique et accessible sur le site internet du Department of Education.
Ces dispositifs n’existent pas sur le continent africain selon nos connaissances et restent rares dans les pays en développement. Ils constituent pourtant une mesure équitable de la performance des établissements scolaires.
Il est possible d’appliquer le même raisonnement pour calculer la valeur ajoutée des enseignants, sur laquelle le salaire s’indexe parfois. C’est le cas aux USA et cela pose des problèmes déontologiques, techniques et pédagogiques, les enseignants se focalisant sur la réussite à des tests scolaires standardisés au détriment de l’apprentissage réel des élèves.
La permanence d’aide aux devoirs est une bonne initiative. Dans nos écoles camerounaises,il s’experimente la pédagogie inversée à travers laquelle une navette est faite entre pairs, enseignants,parents pour échanger sur certaines thématiques qui préoccupent les enfants. Cet élargissement du champ cognitif et affectif pourrait améliorer les bons points de l’évaluation formative.