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Le capital humain, un pilier pour la richesse des pays

Par Aicha Sidi Geraldo, mai 2020

Le capital humain est étroitement lié à la productivité, il représente la capacité à améliorer la productivité du fait des compétences acquises.

La théorie moderne du capital humain remonte aux années 60, par Theodore Schultz, puis Gary Becker, qui proposaient leurs analyses théoriques et empiriques des liens entre l’investissement en capital humain et la rémunération. La théorie qui émerge énonce que toute dépense susceptible d’améliorer le niveau de formation d’un individu augmente sa productivité, et par conséquent ses revenus futurs, d’où le nom de capital humain, selon (Fraisse-D’Olimpio, 2009).

Plusieurs définitions ont également relié le capital humain à la capacité à produire, nous notons par exemple Joseph Stiglitz  (Stiglitz Joseph, 2007) qui définit le capital humain comme « l’ensemble des compétences et de l’expérience accumulées qui ont pour effet de rendre les salariés plus productifs » ; Samuelson et Nordhaus  (Samuelson P.A., 2000) rajoutent qu’il constitue le « stock de connaissances techniques et de qualifications caractérisant la force de travail d’une nation et résultant d’un investissement en éducation et en formation permanente ».

 La célèbre fonction de Cobb Douglas quant à elle lie le capital humain au travail. La diminution du capital de 1% doit être compensée par une augmentation du travail de 1% pour avoir le même produit. Ceci implique qu’un meilleur capital humain permet de réduire le travail.

La définition du capital humain a évolué à ce jour, en tenant compte de l’environnement dans lequel évolue l’individu et qui devrait affecter son capital humain.

Ainsi, selon de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE, 1998), le capital humain recouvre « l’ensemble des connaissances, qualifications, compétences et caractéristiques individuelles qui facilitent la création du bien-être personnel, social et économique. » 

La Banque Mondiale renchérit en définissant le capital humain comme « l’ensemble des connaissances, compétences et conditions de santé que les individus accumulent tout au long de leur vie et qui leur permet de réaliser pleinement leur potentiel en devenant des membres productifs de la société. Le développement du capital humain joue un rôle déterminant pour mettre fin à l’extrême pauvreté et renforcer l’inclusion sociale. Pour cela, il faut investir dans la nutrition, les services de santé, une éducation de qualité, l’acquisition de compétences et l’accès aux emplois ».

Ainsi le capital humain ne devrait pas se mesurer que sur le marché de l’emploi, quant à la productivité des cadres, mais dès la naissance, comme étant la capacité à déployer et utiliser au maximum le potentiel de chaque individu.

L’indice du capital humain développé par la Banque Mondiale sous l’impulsion de son directeur nous renseigne sur cet aspect.

Indice du capital humain par la Banque Mondiale

L’indice du capital humain nous éclaire sur l’avenir d’un pays. Ce que sera la génération par rapport à ce qu’elle aurait pu être.

Cet indice cherche à répondre à la question suivante : « Quel capital humain un enfant né aujourd’hui est-il susceptible d’atteindre d’ici ses 18 ans, compte tenu des risques liés à la médiocrité des services de santé et d’éducation dans son pays ? ». À l’échelle mondiale, 56 % des enfants nés aujourd’hui seront privés de plus de la moitié de leurs revenus potentiels à l’âge adulte (WEAVER, 2018).

L’indice de capital humain combine cinq indicateurs de santé et d’éducation qui ont une corrélation directe avec la productivité.  Ils sont regroupés en trois composantes  (World Bank (d), 2019) :

L’indice de capital humain en infographie

Source : faits par les auteurs à partir de ADKAR INFOGRAPHIC et Banque Mondiale pour les pictogrammes

Chacun des indices ci-dessus sont pris en compte dans les composantes, et en fonction de leur contribution à la productivité, on obtient l’indice du capital humain compris entre 0 et 1.

Un pays dans lequel un enfant né aujourd’hui peut espérer jouir d’une santé optimale (pas de retard de croissance et un taux de survie à l’âge adulte de 100 %) et bénéficier d’une éducation complète (14 années d’une scolarité de qualité jusqu’à l’âge de 18 ans) aura un indice de 1.

Dans le cas d’un indice de 70%, cela voudrait dire que la productivité est de 70% pourcent par rapport à ce qu’elle aurait pu être si elle avait bénéficié de meilleures conditions d’éducation et de santé. Il ne s’agit pas seulement de dire que l’éducation et la santé sont importantes, mais aussi que le statu quo coute 30% au pays.

La vidéo présente les composantes et le calcul de l’indice (en anglais).

Un aperçu de l’indice en Afrique

Source : par les auteurs à partir des données de la Banque Mondiale

Cette carte donne un aperçu de la valeur de l’indice en Afrique. En général les plus performants sont en Afrique du nord ainsi que quelques pays tels que le Ghana (0,44), le Gabon (0,45), le Kenya (0,52), la Namibie (0,43) et le Zimbabwe (0,44). L’Afrique de l’Ouest présente le plus de pays moins performants selon l’indice. Ce dernier varie de 0.29 pour le Tchad à 0.52 pour le Kenya et l’Algérie.

Si le HCI (Human Capital Index) proposé par la Banque Mondiale est une mesure pertinente qui considère les aspects importants pouvant mesurer le capital humain, il ne prend pas en compte les apprentissages informels qui permettent d’acquérir des compétences importantes. Afin d’être la plus réaliste en Afrique, la notion de « capital humain » devra s’étendre aux apprentissages « informels » qui représentent la majorité de la main d’œuvre en Afrique. 

En considérant cet aspect, il serait difficile de comparer, sur la base de cet indice les pays africains dont l’économie est composée en moyenne à 40% de l’informel. Il faut noter que les données relatives au secteur informel ne sont pas toujours maitrisées, surtout dans le cycle de la formation (nombre d’apprenants, contenu de la formation, etc.).

D’autre part et de façon générale, la transition de l’école au milieu de travail et la formation des adultes représentent un autre enjeu important. Le capital humain peut se déprécier si les compétences acquises ne sont pas maintenues en bon état par un usage régulier. De ce point de vue, le chômage de longue durée et le chômage des jeunes peuvent conduire à une dégradation des connaissances et des compétences. 

L’enseignement supérieur est également un passage décisif pour l’acquisition des compétences. Il serait judicieux de le prendre en compte dans l’indice du capital humain.

Il faut toutefois préciser que cet indice n’est pas la mesure du capital humain mais il quantifie plutôt la contribution de la santé et de l’éducation aux niveaux de productivité de la prochaine génération de travailleurs.

Le projet du capital humain de la Banque Mondiale

Le capital humain est au cœur des efforts du Groupe de la Banque mondiale pour mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici à 2030 et accroître les revenus des 40 % les plus pauvres de la population de tous les pays. 

La vision du Projet sur le capital humain est celle d’un monde dans lequel tous les enfants réalisent pleinement leur potentiel en grandissant dans des conditions saines et propices à l’apprentissage, acquièrent de véritables connaissances en classe et arrivent sur le marché du travail étant des adultes en bonne santé, qualifiés et productifs  (World Bank (a), 2019).

A la date de juin 2019, 63 pays ont rejoint le Human Capital Project (HCP).

Le projet pour le capital humain repose sur trois piliers (Banque Mondiale (a), 2019), à savoir : 

L’indice du capital humain

Comme définit plus haut, il permet aux pays d’évaluer le manque à gagner résultant de leurs déficits en termes de santé et d’éducation, et dans quelle mesure ils pourraient progresser plus vite et transformer ces pertes en autant de gains en agissant maintenant. 

Recherche et évaluations

L’évaluation rigoureuse des acquis sur le plan de l’éducation et de la santé joue un rôle fondamental au niveau national comme au niveau mondial. Dans les pays, cet effort de mesurer permet aux pouvoirs publics de mieux identifier les réussites et déterminer les domaines d’interventions. Il favorise également leur prise de conscience à l’égard de l’importance des investissements dans le capital humain, donnant ainsi l’impulsion nécessaire à l’action. Au niveau mondial, ces évaluations détaillées mettent en lumière les différences d’un pays à l’autre et créent une demande pour des investissements centrés sur la population.

Accompagnement des pays

Le projet pour le capital humain aidera les pays à s’attaquer aux principaux obstacles qui entravent le développement du capital humain en recourant à une approche gouvernementale globale. Il donne déjà lieu à une collaboration avec plus de 40 États qui ont manifesté un vif intérêt à l’égard de l’initiative, et qui seront rejoints, dans les prochains mois, par d’autres pays. Plusieurs « Ambassadeurs du capital humain » (dirigeants, influenceurs, célébrités, etc.) se sont en outre engagés à militer pour défendre l’importance des investissements dans la prochaine génération. Le 11 octobre 2018, des centaines de personnes ont assisté au Sommet sur le capital humain à Bali. Cliquez ici pour visionner cet événement.

Après un an de mise en œuvre du projet, des progrès ont été réalisés principalement dans la collecte des données fiables pour la mesure des différentes composantes de l’indice du capital humain. La Banque reste confiante quant à l’atteinte des objectifs du projet et se réjouit de l’engouement des pays dans sa mise en œuvre.

Conclusion

Le capital humain reste une donnée difficile à quantifier, bien que toutes les définitions convergent vers le fait qu’il soit un pilier de la richesse des pays. A ce jour, il n’est plus nécessaire de montrer l’importance du capital humain, mais plutôt d’aider les pays à augmenter leur capital humain.

Une alternative louable est donc, à l’instar de la Banque Mondiale, d’identifier les facteurs qui bâtissent le mieux le capital humain et d’agir sur ces derniers afin d’avoir de meilleurs résultats.

Bibliographie

Banque Mondiale (a). (2019). À propos du Projet pour le capital humain. Projet pour le capital humain.

Banque Mondiale (b). (2018, 01 30). La richesse mondiale augmente, mais les inégalités persistent, selon un nouveau rapport de la Banque mondiale. Communiqués de presse.

Fraisse-D’Olimpio, S. (2009). Les fondements théoriques du concept de capital humain (Partie 1). SES-ENS, 05 11.

Lange, G.-M., Wodon, Q., & Carey, K. (2018). The Changing Wealth of Nations 2018, Building a Sustainable Future. WORLD BANK GROUP.

OCDE (1998). L’investissement dans le capital humain.

Samuelson P.A., N. W. (2000). Economie. Economica.

Stiglitz Joseph, a. (2007). Principes d’économie moderne. Broché, 2007. p.190.

Weaver J. (2018, 12 30). L’indice du capital humain fait déjà bouger les lignes. Banque Mondiale Blog.

World Bank (a). (2019). Human Capitol Project Year 1 Progress report. World Bank, Washington DC.

World Bank (b). (2019). World Development report : the changing nature of work. World Bank Group.

World Bank (c). (2018). The Human Capital Project.

World Bank (d). (2019). Insights from Disaggregating the Human Capital Index.