Par Chadia Belaïd Mhirsi, Avril 2020
Résumé
La tentation du monolinguisme est perceptible en Tunisie, notamment à travers l’usage exclusif de la langue nationale dans les structures institutionnelles. Cependant, la plupart des secteurs d’activité du pays ont un cadre de référence en français et utilisent les langues selon leurs besoins, le français et l’arabe, rarement l’anglais d’où une dichotomie qui n’est pas sans conséquences. A l’école, le statut de chacune des langues en présence, défini selon des choix idéologiques, est en décalage par rapport au contexte national et international. La différence entre l’arabe classique et le dialecte est ignorée, le français et l’anglais sont mis à distance et désignés comme étant de simples langues étrangères. L’amélioration de leur enseignement-apprentissage reste incantatoire, ce qui compromet l’accès aux savoirs à une époque où ils sont à portée de clic.
Nous proposons une réflexion en trois axes: les représentations et les options linguistiques clivantes constituent le premier axe. Nous étudierons ensuite les dérives de l’enseignement des langues, avant d’envisager les possibilités d’un changement inspiré par la dynamique développée à l’échelle internationale.
« Celui qui ne connaît pas les langues étrangères ne connaît rien de sa propre langue ».
Johann Wolfgang Von Goethe
Introduction
En ces temps de confinement, des millions d’enfants et d’adolescents ne sont plus scolarisés. Face à cette situation, les pays les plus avancés et les plus réactifs s’organisent pour un enseignement à distance. Mais ceux qui bénéficient des contenus les plus achevés et les plus diversifiés ce sont ceux qui utilisent les langues dominantes, et surtout l’anglais qui assure plus de 50% des contenus d’internet. Les autres, les arabophones plus précisément y contribuent à hauteur de 0,… Cette indigence fait ressurgir la question des langues d’enseignement.
C’est sur cette question et plus généralement, celle du plurilinguisme que Chedia Mhirsi, se penche en examinant le cas de la Tunisie. Anciennement inspectrice générale de l’éducation en charge de l’évaluation de 2011 à2015, son analyse s’appuie sur des données qu’ il est urgent de prendre en compte pour une école du 21e siècle.
Même si le plurilinguisme[1] s’inscrit logiquement dans la tendance actuelle liée à la globalisation et au développement technologique, force est de constater la complexité de ce phénomène. Évoluant de manière asymétrique en faveur des langues dominantes au détriment de langues qui se trouvent minorisées, il est souvent assimilé à une menace pour l’identité. Mais le repli identitaire et le figement des pratiques linguistiques permettent-ils de sauver une langue? Actuellement, on compte plus de six mille langues et moins de deux cents pays. Ces deux données nous conduisent à un constat très simple : la plupart des pays sont multilingues, ce qui conduit souvent leurs habitants, de plus en plus urbains, à être exposés à plusieurs langues, outre leur langue maternelle. A l’ère de l’internet et de la globalisation, le plurilinguisme est d’ailleurs de plus en plus considéré comme une nécessité aussi bien à l’école que dans les différents secteurs professionnels. Qu’en est-il du paysage linguistique en Tunisie, pays arabophone où le code-switching (NDLR passer d’une langue à l’autre) est largement pratiqué? Quels sont les défis actuels en matière d’enseignement-apprentissage des langues dans ce contexte? C’est entre autres à ces questions que nous tenterons de répondre avant d’explorer des pistes pour une évolution devenue une impérieuse nécessité. Notre réflexion sera centrée sur le champ éducatif tout en faisant référence au contexte socio-culturel, sachant que l’éducation est un déterminant essentiel de la cohésion sociale et du développement économique.
1. La tentation du monolinguisme, un facteur clivant
1.1 . La langue arabe, oui, mais laquelle ? Une perception confuse des langues
La langue arabe est l’une des six langues officielles des Nations Unies avec l’anglais, le français, l’espagnol, le chinois et le russe. En Tunisie, c’est la langue nationale et la langue officielle. C’est aussi la langue officielle de plus de 23 pays d’Afrique et d’Asie[2]. L’arabe est présent également dans d’autres pays où il n’a pas de statut officiel, notamment dans les pays musulmans (la Turquie, l’Indonésie, etc.) En outre l’alphabet arabe sert à écrire d’autres langues. Jusqu’aux années 50, il était utilisé pour écrire le turc et le maltais. Actuellement, les caractères arabes servent à orthographier le persan et l’ourdou, langue officielle au Pakistan et en Inde[3]. L’arabe littéral[4], communément appelé arabe classique ou fos’ha est une langue essentiellement écrite, considérée comme la forme la plus prestigieuse par tous les pays arabophones. A l’oral, elle est employée dans les médias et la communication institutionnelle. En fait, le terme arabophone recouvre des réalités linguistiques différentes, chaque pays utilisant un dialecte local pour l’échange familial et courant. Ainsi, il s’agit d’une diglossie mettant en avant l’arabe classique au détriment de la langue parlée, dialectale, qui correspond à ce que l’on désigne par ‘’la langue au foyer’’ et en anglais par ‘’the language spoken at home’’ sachant qu’un contexte de diglossie, c’est un bilinguisme inégalitaire avec une variété «haute» et une variété «basse».
En Tunisie, 99% des habitants sont arabophones. Pour le Tunisien moyen, l’arabe, c’est sa langue maternelle, indépendamment du fait qu’il parle la Darija, (l’arabe dialectal) et non l’arabe classique. Etant d’abord perçues comme un marqueur identitaire, les deux langues sont souvent considérées comme étant une seule et même langue. La position privilégiée de la langue arabe a été renforcée par une politique de soutien[5] qui en impose l’usage comme la seule langue de travail dans les structures administratives et les médias officiels. D’où une dichotomie entre l’administration et les institutions d’une part, et d’autre part le tissu économique qui n’est pas monolingue. Celui-ci utilise selon les besoins, le français pour les références techniques et scientifiques et l’arabe pour la communication quotidienne ou les correspondances officielles, rarement l’anglais ou une autre langue. Cette distorsion n’est pas sans conséquences sur le développement de l’économie et du pays tout entier.
1.2 Un paysage linguistique marqué par la concurrence
L’arabe classique est aujourd’hui concurrencé en tant que langue écrite ou oralisée par le français et par l’arabe dialectal. De plus en plus, il est délaissé par les officiels, premiers ministres compris, au profit de l’arabe parlé sans doute parce qu’il est de plus en plus mal maîtrisé. Faute d’un usage authentique, la langue arabe classique perd des adeptes. Salah Mejri[6], signale une ‘’montée du dialectal, effective, de plus en plus visible, à travers les médias, les discours officiels, dans l’enseignement et surtout dans la publicité ; ce constat se vérifie à l’oral et même à l’écrit’’. En effet, on note l’apparition d’écrits en arabe dialectal sous une forme alphanumérique, avec des caractères latins et des chiffres dans la communication familière, à travers les réseaux sociaux, notamment chez les personnes les moins lettrées. Dans les correspondances professionnelles par courrier électronique, le français est utilisé de manière informelle, y compris par les hauts cadres de l’administration. Le code-switching est également très répandu à l’oral en même temps que l’arabisation du vocabulaire français lié à l’usage des nouvelles technologies.
Cependant certains usagers considèrent l’une ou l’autre langue (à savoir le dialectal, l’arabe classique ou le français) comme un élément exogène ou comme un frein au progrès, selon le cas. Cette tentation monolingue engendre une forme d’intolérance qui frôle le déni : l’arabe dialectal, dont il n’est fait mention nulle part n’a pas de statut propre. L’utilité d’une langue étrangère pour accéder au savoir est déniée par les uns, l’arabe classique est rejeté par les autres sous prétexte que c’est une langue du passé alors qu’elle constitue le dénominateur commun à tous les pays arabes. De telles représentations parasitent l’enseignement et l’apprentissage des langues, le plurilinguisme, avec l’usage du français, étant davantage perçu comme le résultat d’une situation conjoncturelle d’exception issue d’un héritage colonial, une sorte de maladie de croissance qu’un véritable atout pour le pays. Les langues représentent une question tellement sensible qu’elle en devient taboue, menaçant la cohésion sociale. En dépit de l’émergence d’une dynamique plurilingue à travers les médias, les textes officiels restent intangibles entre autres dans le domaine éducatif.
2. Les dérives de l’enseignement des langues
2.1. L’arabe et le français : des statuts définis selon des choix idéologiques
Dans les textes officiels et les programmes scolaires[7], la langue arabe est présentée comme « La langue nationale au moyen de laquelle l’apprenant s’enracine dans son identité tunisienne et s’ancre dans la civilisation nationale. Elle est l’outil principal qu’il emploie pour communiquer avec autrui, pour exprimer les concepts … ». S’agissant du français, il est mentionné que c’est la première langue étrangère, à ce titre elle « contribue […] à la formation intellectuelle, culturelle et scientifique » de l’élève. L’anglais, en tant que deuxième langue étrangère, est censé permettre à l’apprenant de « recueillir l’information, d’exploiter les données et d’utiliser les nouvelles technologies de communication… »
Par ailleurs, la Loi d’orientation de l’éducation[8] et de l’enseignement scolaire n° 80-23 juillet 2002, Article 9, stipule que « L’école est appelée essentiellement à donner aux élèves les moyens :
– de maîtriser la langue arabe, en sa qualité de langue nationale ;
– de maîtriser deux langues étrangères au moins. »
En outre, la langue arabe classique, qui n’est parlé dans aucun foyer et dans aucun pays, se voit assigner une vocation surréaliste : ‘’Elle est l’outil principal qu’il (l’élève) emploie pour communiquer avec autrui’’. D’ailleurs c’est l’approche communicative qui est retenue en la matière[9], l’oral étant visé en priorité.
On aura sans doute remarqué que le concept de langue d’enseignement /scolarisation est absent des textes officiels, ses enjeux sont quasiment ignorés (dans tous les sens du terme) par les parties prenantes, y compris les enseignants et les élèves. D’après l’enquête internationale TIMSS (évaluation des acquis des élèves de 4e et de 8e années en maths et en sciences), qui, dans le souci de savoir si la langue maternelle est la langue d’enseignement/scolarisation, propose aux élèves de 8e année un questionnaire où figure la question suivante : « Parlez-vous l’arabe classique/fus’ha à la maison ? », 19% répondent « Toujours/la plupart du temps », 56% répondent « De temps en temps », 25% répondent : « Jamais »[10].
Carte linguistique de la Tunisie
Source : https://www.wikiwand.com/fr/Arabe_tunisien
Ainsi, il y a lieu de constater le silence fait autour du dialecte , comme s’il ne faisait pas partie de l’identité tunisienne, alors qu’il est utilisé de façon informelle pour les échanges oraux à tous les niveaux de l’enseignement. Le système éducatif exclut tout recours au dialecte pour les activités de la classe, quel que soit le niveau scolaire, fût-il élémentaire et quelle que soit la situation de communication. De plus, le statut de l’anglais comme langue internationale, déterminante pour les échanges internationaux et l’accès au savoir, n’est pas identifié en tant que tel, d’ailleurs il tient une très petite place durant toute la scolarité de l’élève.
S’agissant de cette problématique, on est dans le déni. Parallèlement la mise à distance des langues française et anglaise, préjudiciable au développement du pays est sans doute liée à des priorités idéologiques.
2.2. Des langues d’enseignement en déroute
Toutes les disciplines sont enseignées en arabe durant la scolarité obligatoire, jusqu’en 9e année. Les 100 000 élèves qui quittent l’école chaque année (au niveau de l’enseignement obligatoire) auront eu l’arabe comme unique langue d’enseignement. Ils seront dotés d’une terminologie scientifique qui n’est pas utilisée en dehors du contexte scolaire. En outre, ils ne seront pas en mesure d’utiliser les ressources numériques qui sont disponibles en français et en anglais pour s’informer ou se former. Ils iront grossir les rangs des NEET (Not in Education, Employment or Training) qui, mal recencés ont largement dépassé le total d’un million de jeunes sur une population active de moins de 4 millions. Suivant une organisation compartimentée et linéaire, le français qui a le statut de langue étrangère tout au long de l’enseignement de base est utilisé au collège pour le cours d’informatique et au début du secondaire pour enseigner les sciences exactes. Le changement de langue d’enseignement des matières scientifiques en 1ère année secondaire, effectué quasiment sans préparation au niveau curriculaire, est entièrement à la charge de l’élève d’où un taux d’échec scolaire considérable[11].
Les orientations pédagogiques révèlent ainsi le peu d’attention accordé au fait que ce soit des langues d’enseignement / scolarisation[12] , dont la maîtrise conditionne la réussite scolaire. L’aspect formel occupe une large place, ce qui en détourne les élèves. En outre, d’après la répartition des volumes horaires, la part consacrée à l’enseignement de l’arabe et du français en tant qu’objets d’étude, est surdimensionnée[13], notamment au cours de l’enseignement de base. Cet horaire est alloué au détriment de l’enseignement des sciences STEM, (acronyme de Science, Technology, Engineering, and Mathematics). Il en résulte un déficit de compétences pour l’élève, favorisant ultérieurement le chômage plutôt que l’employabilité. A noter que l’expertise des jeunes dans ces disciplines scientifiques est considérée actuellement comme un indice de la capacité d’un pays à soutenir son progrès et sa croissance.
Baccalauréat 2012 section Economie et gestion : Taux des élèves admis au baccalauréat et ayant obtenu une note ≥10 en arabe, français, anglais
Les autres filières ne sont guère épargnées, ci-après le taux des élèves admis au baccalauréat et ayant obtenu une note ≥10 en arabe : moins de 50% dans 5 filières sur 7, en anglais: moins de 50% pour cent dans 6 filières sur 7, en français : moins de 50% pour cent dans toutes les filières.
Le cursus souligne ainsi le déséquilibre et l’incohérence qui caractérisent la gestion des langues de scolarisation. Ces choix ne sont pas sans impact sur la cohésion sociale vu que le système éducatif accroît l’enfermement de l’école et contribue à la fragilisation de la cohésion sociale. Plus tard, ce sont les bilingues ou les multilingues qui auront le plus d’opportunités d’emplois, les secteurs économiques et technologiques étant essentiellement francophones dans le pays[14]. Loin de remplir sa mission d’ « ascenseur social », l’école creuse les inégalités.
2.3. Enjeux pédagogiques : les explicitations nécessaires
Actuellement les apprentissages sont construits en silos, ni les programmes ni la formation des enseignants ne prévoyant de réflexion métalinguistique sur l’arabe classique/ arabe dialectal, pas plus que sur l’arabe et le français alors que les études montrent qu’une conscience plurilingue accroît l’efficacité de l’apprentissage des deux langues[15]. Il s’agit d’identifier ici des différences essentielles et de dissiper les confusions et les représentations erronées.
2. 3.1 Arabe littéral et dialecte tunisien
L’arabe dialectal, langue orale, présente toutes les caractéristiques de la langue maternelle : il constitue la première expérience langagière des enfants tunisiens. Utilisé pour les interactions dans le milieu familial, il présente également une deuxième caractéristique, à savoir qu’il est acquis spontanément, sans apprentissage formel, tandis que l’arabe littéral s’apprend à l’école. A noter qu’on emploie le terme de dialecte dans la mesure où il y a de nombreuses variantes à travers le pays[16].
Au début de sa scolarisation, l’enfant tunisien est confronté à l’arabe classique, langue qui, tout en étant apparentée à sa langue maternelle, en est différente vu qu’elle présente des spécificités syntaxiques et lexicales aussi bien que stylistiques. Qui plus est, elle n ‘est pas utilisée pour l’interaction à l’état naturel, dans la vie quotidienne, s’agissant d’une langue écrite présente à travers des genres propres à ce médium. Comparée à la situation des enfants qui apprennent à lire et écrire la langue qu’ils parlent à la maison (comme les petits Français ou les Italiens) et à celle d’autres enfants qui apprennent une langue qui se parle mais qui n’est pas pratiquée à la maison, l’expérience des jeunes arabophones présente une double difficulté. Le comble du fourvoiement c’est qu’on utilise pour une langue qui n’est parlée nulle part, l’approche communicative avec un objectif surréaliste : développer l’échange oral.
Afin de mieux identifier ce contexte linguistique, il serait bon de souligner quelques différences structurelles qui méritent d’être prises en compte. Nous n’insisterons pas sur des spécificités connues comme la nécessaire voyellisation qui indique le cas de chaque terme de la phrase ni sur la morphologie du verbe, du nom et des pronoms personnels propres à l’arabe littéral. En revanche, il y a lieu de souligner des différences d’ordre majeur au niveau de la syntaxe de la phrase : à l’instar des langues anciennes sémitiques, l’ordre des mots de l’arabe littéral est de type VSO (Verbe Sujet Objet), pattern prédominant, dans 9% des langues actuelles alors que le dialecte tunisien, à l’instar des autres dialectes arabes, utilise exclusivement la forme SVO comme l’écrasante majorité des langues actuelles (80%)[17]. En outre, la langue parlée diffère au niveau de la forme interrogative. Dans le dialecte, c’est l’intonation qui est utilisée, sans mot interrogatif : Fhemt(e) ? Tesmaa fiya ? (Tu as compris ? Tu m’entends ?) En arabe standard/littéral, l’interrogation totale est formulée avec l’outil interrogatif ‘’Hal’’ plus l’intonation : Hal fahemta? Hal tasmaouni ? La forme intonative seule existe-t-elle ? Il est permis d’en douter, dans l’état actuel des recherches.
Dans les interrogations partielles de l’arabe dialectal, on utilise généralement le son ‘’Ch’’, ou la forme contractée à la fin du mot pour Kifech ? Alech ? Waktech ? ‘’Ch’ ’ ou au début, selon le cas, par exemple : Chkoun ? Chbik ? Chkolt ? En arabe littéral : Men ? Mèdhé bika/biki ? Mèdhé kolta/ti ?(Qui c’est? Qu’es-ce que tu as ? Qu’est-ce que tu dis ?)
Idem pour la forme négative, les phrases négatives étant très différentes de l’arabe littéral, avec la forme ‘’Mè’’ en début de phrase et ‘’Ch’’ à la fin (réponse à une interrogation totale) : Mè jetech, mè yakoulch, qui donne en arabe littéral, Lam taati, la yaakoulou, (Elle n’est pas venue, il ne mange pas). De même, on remarque la prédominance de la terminaison en ‘’a’’ pour les noms féminins et celle du soukoun pour les noms masculins, tandis que pour l’arabe littéral c’est la t marbouta qui prédomine pour les noms féminins, qui porte le signe diacritique dicté par sa position syntaxique dans la phrase et qui devient muette dans l’arabe standard (sauf en cas de liaison phonétique). Bien entendu, des rapprochements, d’ordre lexical notamment, peuvent être faits mais cela nécessite des analyses métalinguistiques, tout comme les différences entre les deux langues. Tout cela est malheureusement passé sous silence, les pédagogues ayant pris le parti d’ignorer la langue dialectale et de propager l’idée d’une seule et même langue.
2.3.2 Alphabets arabe et latin : des différences à souligner, pour un meilleur apprentissage de la lecture
L’alphabet c’est la porte d’entrée des langues et la lecture, celle des apprentissages.
Les élèves se voient confrontés à des difficultés inhérentes aux différences entre les deux langues. Sans parler du sens de l’écriture gauche /droite qui distingue chacun des deux alphabets, il y a lieu de souligner les différences entre les deux systèmes, souvent méconnues y compris des enseignants : l’alphabet arabe se classe parmi les alphabets consonantiques/abjads (étant constitué de consonnes, outre trois consonnes–voyelles longues le wa, alif et ya). Les voyelles sont indiquées par des signes diacritiques : fatha, dhamma, kasra, soukoun et tanween. Ces signes, ont généralement une fonction lexicale au début et au milieu du mot et une fonction syntaxique à la fin du mot[18]. Au contraire, le français qui utilise l’alphabet latin, s’appuie sur le principe de la combinaison consonne-voyelle, le fameux b-a ba. Cette différence explique en partie les erreurs de certains élèves débutants qui écrivent les mots français au moyen de consonnes seulement, la notion de syllabe étant pour le moins peu utilisée en arabe. Actuellement, ces différences sont invisibilisées ou mal étudiées, d’où une perte de sens très démotivante pour les élèves.
A noter que les signes diacritiques qui sont employés pour les débutants, disparaissent au niveau des lecteurs experts et dans les usages sociaux de la langue (journaux, panneaux de signalisation…). Le degré de transparence de la correspondance graphème-phonème ainsi que l’acquisition de la lecture en sont affectés[19]. D’après une recherche récente[20] qui s’appuie entre autres sur les résultats de l’enquête PIRLS, les élèves arabophones accusent un retard considérable en matière de vitesse de lecture et de capacité à lire des textes longs et ce par rapport à la moyenne internationale, ce qui compromet gravement leurs compétences de lecture (apprendre à lire et lire pour apprendre).
Une meilleure connaissance de ces spécificités par les enseignants et les parents est susceptible d’anticiper les difficultés des élèves et de les aider à apprendre de manière plus efficace.
PISA – Tunisie : scores et niveaux de compétences en lecture (arabe)
Source : PISA
Le diagramme ci-dessus indique en rouge le pourcentage d’élèves qui tout en exécutant des tâches de lecture élémentaires, n’atteignent pas le niveau seuil[21] (identifier l’idée principale d’un texte portant sur un thème familier ou reconnaître l’intention explicitement formulée de son auteur). Ils ne possèdent pas les compétences fondamentales propres à les préparer à entrer sur le marché du travail ou à poursuivre leurs études supérieures. En bleu, on signale le pourcentage d’élèves qui ont développé des compétences élevées (capacité à appréhender un document écrit avec un contenu peu familier, à rapprocher des éléments disparates dans un texte, à comprendre l’implicite, à construire une interprétation cohérente, en lien avec un contexte peu familier…)
La lecture représente la compétence indispensable à faire acquérir aux élèves pour leur donner la possibilité de poursuivre leur scolarité et plus tard d’être autonomes en tant que futurs citoyens. D’ailleurs la lutte contre l’analphabétisme constitue depuis la fin du 19e siècle un défi majeur, d’abord dans les pays les plus avancés puis dans le monde entier, sous l’égide de l’UNESCO. Malheureusement en Tunisie comme dans d’autres pays du Maghreb et d’Afrique, la lecture a cessé d’être une priorité suite à l’introduction de l’approche par les compétences de base depuis les années 1990. La centralité de la lecture a été délaissée, la production écrite étant considérée dans cette approche comme l’aboutissement des apprentissages et ce pour les deux langues d’enseignement, à savoir l’arabe et le français. Qui plus est, l’apprentissage de la lecture est mis à mal par la méthode globale/mixte, encore en vigueur malgré les preuves scientifiques qui préconisent un apprentissage systématique des lettres et des syllabes. D’où un taux d’échec scolaire massif touchant les plus défavorisés qui conduit au décrochage scolaire et à l’accroissement du taux d’analphabétisme. D’après le PNUD (2015), ce taux (parmi les personnes de 15 ans et plus) frôle les 23% en Tunisie alors que le taux mondial est en baisse, soit 16%. La Banque mondiale a lancé en 2019 l’indicateur « Learning Poverty » qui signifie être incapable de lire et de comprendre un texte court et adapté à l’âge de 10 ans. D’après cet indicateur,tous les enfants devraient savoir lire à cet âge, or 53% des enfants des pays en développement n’ont pas appris à le faire alors même qu’ils sont à la fin du primaire.
3. L’éducation plurilingue ou les possibilités de changement
Soutenu par le développement des TIC et l’internet ainsi que l’émergence de sociétés multiéthniques, le plurilinguisme devient un enjeu de taille notamment sur les plans culturel et social, y compris dans des pays de tradition monolingue et ce pour une meilleure intercompréhension et une cohabitation apaisée, par-delà les enjeux éducatifs et économiques. De nombreux pays soucieux de leur développement, ont choisi un plurilinguisme stratégique, assurant à leurs populations une éducation où les langues internationales, notamment l’anglais tiennent une grande place. C’est le cas de l’Inde et de Singapour ainsi que des pays scandinaves. L’Inde compte plus de 800 langues, Singapour plus de six langues. Ces deux pays enseignent l’anglais dès la première année et utilisent cette langue pour enseigner les matières scientifiques.
3.1 Le cas de l’Europe : du monolinguisme à l’éducation plurilingue
Le Conseil de l’Europe a conçu et mis en place en 2000 , le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues, le CECRL, en vue de favoriser la mobilité professionnelle au sein de ce continent. Désormais, il s’attache à promouvoir l’éducation plurilinguepour assurer la compétitivité de l’Europe et ‘’consolider sa position en tant qu’acteur déterminant de l’économie mondiale’’. A cet effet il a été procédé à la redéfinition des politiques éducatives nationales et des curriculums[22], avec une vision globale et cohérente qui intègre la langue maternelle dans le cadre d’une compétence plurilingue. Ainsi, le Conseil de l’Europe choisit les orientations de sa politique linguistique et éducative en cohérence avec les intérêts économiques des pays européens.
Pour aider les pays européens à mettre en œuvre cette politique, un guide intitulé ’’De la diversité linguistique à l’éducation plurilingue : Guide pour l’élaboration de politiques linguistiques éducatives en Europe’’ a été élaboré depuis 2007, suivi en 2010 du ‘’Guide pour le développement et la mise en œuvre de curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle’’. Ces guides, destinés aux ministres de l’éducation, aux décideurs ainsi qu’aux acteurs de l’éducation s’accompagnent de la mise à disposition d’expertises et de ressources pour faciliter la mise en œuvre de ce projet sous forme de plateforme en ligne. En France, par exemple, les programmes scolaires visent l’apprentissage des langues des minorités immigrées, outre les langues européennes et surtout la langue anglaise, obligatoire dès le CP. A travers l’éveil précoce aux langues (programme EVLANG), une forme de tolérance linguistique est mise en place dès le préscolaire.
3.2 De la didactique des langues à la didactique du plurilinguisme
D’après les recherches actuelles, le plurilinguisme présente de multiples avantages à l’échelle individuelle: sans parler de compétences de communication accrues, il contribuerait entre autres au développement de la compétence métalinguistique[23]et de la créativité. En Europe les finalités assignées à l’éducation plurilingue sont rattachées aux ‘’compétences de communication, aux compétences interculturelles, aux expériences esthétiques et littéraires, à la mise en place de capacités réflexives, au développement de stratégies transversales aux disciplines, au développement de l’autonomie, au développement cognitif avec des formes d’évaluation en adéquation avec les finalités éducatives et le développement de l’autonomie des apprenants’’.
Actuellement, les études en matière de plurilinguisme soulignent l’intérêt de mettre en synergie l’apprentissage de la L2 ou L3 et même de la L1 dans la mesure où chaque apprenant est appelé à tenir compte du fait que sa langue n’est pas le seul medium linguistique possible, encore moins le meilleur, ce qui le conduit à se décentrer et aller vers l’autre. Cela suppose le fait de créer /rétablir des liens à la fois entre les langues d’une part et entre les hommes d’autre part, en intégrant la notion d’interculturalité.
Des didacticiens et sociolinguistes ont eu recours à des concepts comme la didactique convergente, développée notamment par Mohamed Miled, qui vise à construire des compétences transversales et métalinguistiques reliant l’enseignement–apprentissage de l’arabe et du français, au Maghreb et au Liban. Afin de faciliter la mise en place d’une didactique du plurilinguisme, de telles initiatives sont à relancer.
3.3 Le plurilinguisme, pour plus de cohésion sociale et de développement économique en Tunisie
Où en est-on en Tunisie, par rapport à l’éducation plurilingue mise en œuvre en Europe et préconisée par l’UNESCO dès 1999?
Pour caractériser le contexte plurilingue tunisien, j’emprunterai à Edgar Morin le principe de la complexité dialogique que j’appliquerai aux langues :‘’Il nous faut concevoir une relation fondamentalement complexe, c’est-à-dire à la fois complémentaire, concurrente, antagoniste et incertaine entre’’ les langues, dans un espace socioculturel commun.
S’il est vrai qu’avec le développement des TIC, le concept de plurilinguisme suscite un engouement à l’échelle mondiale, il n’en a pas toujours été ainsi. Nul ne peut nier l’existence d’une concurrence entre les langues ni la prédominance de certaines d’entre elles. Cependant, l’usage imposé de la langue arabe dans l’administration et les structures institutionnelles a montré ses limites, ces structures apportant chaque jour la preuve de leur inefficacité, liée à des pratiques anachroniques. Il en est de même pour l’école et le système éducatif tout entier, où les acquis des élèves n’ont jamais été aussi faibles, et ce dans une époque où les savoirs et la formation sont à portée de clic. L’enseignement-apprentissage efficace de plusieurs langues, notamment les langues de scolarisation est un garant de l’accès démocratique au savoir et à l’éducation, et plus tard à l’emploi, au moment où les couches sociales les plus privilégiées ont recours à un enseignement privé des langues, coûteux et élitiste.
Un travail de sensibilisation et d’information auprès des décideurs, des enseignants et des citoyens de manière générale serait fort utile pour faire naître une conscience plurilingue et redéfinir l’enseignement des langues dans le cadre d’une reprise en main ambitieuse du système éducatif dans son ensemble. Même si le code-switching et le plurilinguisme se développe de manière informelle dans le paysage médiatique, seules des décisions politiques peuvent infléchir l’évolution du pays vers une éducation plurilingue susceptible de mettre un terme au gâchis et relancer le développement .
Il s’agit de ne pas se tromper de cible, combattre l’ignorance, l’analphabétisme et la pauvreté pour émanciper les individus et construire la prospérité du pays. Le ‘’confinement ‘’ de la langue arabe classique n’est pas une solution d’actualité : il existe près de six mille langues dans le monde dont 200 langues écrites, toutes les langues de culture n’ont pas vocation à devenir des langues scientifiques. Concernant la diglossie qui caractérise notre contexte arabophone, nous esquivons les difficultés liées à la différence entre le dialecte tunisien et l’arabe littéral, elles sont supportées par l’élève qui les affronte seul de manière consciente ou inconsciente, ce qui peut le conduire au décrochage scolaire. D’autres recherches sont à mener dans ce sens pour surmonter les difficultés inhérentes à la situation de diglossie : s’il est admis que l’élève a besoin d’un minimum de 35 heures d’efforts individuels accompagnés pour apprendre à lire[24] dans sa langue maternelle, combien en faut-il pour l’arabe littéral? L’ apprentissage de la lecture pour les arabophones devrait ainsi être facilité par une approche comparative entre l’arabe parlé et l’arabe classique. Une analyse des différences pour mieux exploiter les points communs et faciliter l’acquisition de la L2 ou la L3 sont nécessaires dans le cadre de la formation continue des enseignants qui devraient être tous au moins bilingues. La didactique du plurilinguisme passe aussi par la revitalisation de la didactique de l’arabe classique /littéral afin d’éviter qu’il soit une langue minorisée. C’est une langue véhiculaire qui sert aussi pour les échanges outre qu’elle fait partie du socle culturel de nombreux pays. Cependant la Tunisie, comme chaque pays, a une identité propre, qui n’est pas soluble dans l’identité arabe. Les pays de la région MENA rencontrent par ailleurs des difficultés similaires, entre autres un taux d’analphabétisme élevé, 20% d’après une étude de l’ALECSO (2011) sachant que le taux mondial était de 18%. Les taux de chômage des jeunes dans la région comptent parmi les plus élevés du monde.
L’histoire et l’actualité montrent que c’est l’essor économique qui fait (re)vivre une langue dans son sillage. Entre-temps, il est urgent de mettre fin à la tentation du monolinguisme et de s’inscrire dans la dynamique plurilingue internationale, bref, que tout le corps social devienne plurilingue. Il y a lieu d’éclaircir de nombreuses zones d’ombre : certaines ont été signalées plus haut comme le statut des langues et en particulier la vocation des langues arabe et française à être des langues d’enseignement. En mettant en lumière le lien entre éducation et développement, on aurait une plus grande adhésion de la part des élèves et des enseignants et une meilleure visibilité sur les priorités en matière de cursus et de contenus d’enseignement. Cela nous amènerait par exemple à percevoir la centralité de la lecture et de la culture scientifique en vue de lutter contre la pauvreté et l’ignorance. Par voie de conséquence, on mettrait en évidence l’urgence d’accompagner l’élève dans l’apprentissage de la lecture au début de sa scolarité et d’éviter de se décharger sur lui en pratiquant l’esquive pédagogique. En première année les programmes fixent des objectifs délirants comme si les élèves savaient déjà déchiffrer et lire couramment ! Il y a urgence à cesser de masquer la différence entre l’arabe parlé ou dialectal et l’arabe littéral. Il y a urgence à préparer l’élève à une éducation plurilingue au lieu de l’abandonner face à ses difficultés et le sanctionner par le redoublement qui atteint un taux parmi les plus élevés du monde.
Mots-clés: plurilinguisme, politiques éducatives, Tunisie, langues de scolarisation, arabe, français langue étrangère (FLE)
[1] Le terme ‘’ plurilinguisme’’, désigne ‘’la capacité des locuteurs d’employer plus d’une langue’’ ou encore, l’usage de plusieurs langues par un même individu[1]
[2] La population arabophone s’élève à plus de 280 millions de personnes.
[3] Plus de 165 millions de personnes utilisent l’ourdou, dont 60 à 80 millions comme première langue
[4] http://www.inalco.fr/langue/arabe-litteral : Les communautés linguistiques arabes pratiquent deux variétés d’arabe, l’une essentiellement à l’écrit, l’arabe dit littéraire ou littéral, l’autre essentiellement à l’oral, les arabes dialectaux, variant d’un pays à l’autre. Ce sont ces deux variétés de langue qui, indissociablement, font leur identité (INALCO, Université Sorbonne Paris Cité.
[5] Suite à la loi Toubon promulguée en France (1994), une loi analogue a été promulguée en Tunisie. Le monolinguisme qui a longtemps prévalu chez nos voisins de la rive nord de la Méditerranée a sans doute été une source d’inspiration pour les politiques monolingues qui ont été adoptées dans le Maghreb.
[6] Salah Mejri, les Spécificités du français en Tunisie : emprunts autochtones,’’géosynonymes ‘’ et ‘’mots construits’’ Université Paris 13 Laboratoire LDI (CNRSUMR 71(2012).
http://www.unice.fr/ILF-CNRS/ofcaf/27/le%20Francais%20en%20Afrique%2027.pdf#page=217 p. 2.
[7] http://www.education.gov.tn/?p=500&lang=fr
[8] http://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/tunisie-loi-2002-educ.htm
[9] http://www.edunet.tn/ressources/pedagogie/programmes/langues/arabe/arabe_degre1_1.pdf
[10] TIMSS 2011, Results in Mathematics (Chapter4, exhibit 4.6) Students Speak the language of the Test at Home. Score des élèves suivant leurs réponses: « Toujours/la plupart du temps » (score moyen 412), « De temps en temps » (427), « Jamais » (429).
[11] http://www.oecd.org/cleangovbiz/Tunisia-Integrity-Education.pdf
[12] http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Handbook-Scol_final_FR.pdf, p13 : la dénomination « langue de scolarisation » est jugée comme étant préférable à « langue d’enseignement », qui rend compte uniquement de l’aspect transmissif de l’éducation.
[13] LECLERC, Jacques.’’Tunisie’’ dans L’aménagement linguistique dans le monde, Québec, CEFAN, Université Laval155Ko.http://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/tunisie.htm
[14] https://varlyproject.blog/2010/09/21/la-tour-de-babel-les-langues-dinstruction/
[15] Moore, D. & Sabatier, C. (2014). Les approches plurielles et les livres plurilingues. De nouvelles ouvertures pour l’entrée dans l’écrit en milieu multilingue et multiculturel. Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, 17(2), 32–65. https://doi.org/10.7202/1030887ar
[16] Ces variantes sont d’ordre sociolinguistique (eni / ena pour dire « je » au Sahel tunisien) et morpho-syntaxique (emploi du féminin (mchity, mchou), et phonologique (gue et K3, Guel / kal). Synergies Tunisie n° 1 (2009) Salah Mejri, Mosbah Said, Inès Sfar, p. 53-74.http://ressources-cla.univ-fcomte.fr/gerflint/Tunisie1/salah1.pdf
[17] https://fr.wikipedia.org/wiki/Langue_VSO
[18] Elinor Saiegh-Haddad and Rachel Schiff, SCIENTIFIC STUDIES OF READING
2016, VOL. 20, NO. 4, 311–324 http://dx.doi.org/10.1080/10888438.2016.1180526
The Impact of Diglossia on Voweled and Unvoweled Word Reading in Arabic: A Developmental Study From Childhood to Adolescence Bar-Ilan University p4
[19] Seymour et al., “We know that the degree of transparency of grapheme-phoneme correspondences (GPC) in alphabetical systems affects reading acquisition. Therefore, in languages that have transparent spellings (like Spanish …), progress is more rapid than in languages that have more complex spellings (e.g., English) especially for vowels(2003)”.
[20] Abadzi, Helen, Efficient Arabic instruction for the early grades : Implications of perception and memory research Lessons Learned from International Experience to Improve Learning Outcomes in GCC Countries, (2016), University of Texas at Arlington.
[21] Chedia Belaïd Mhirsi, « L’apprentissage de la lecture, un enjeu de démocratie », colloque UNICEF-CNIPRE sur l’éducation à la citoyenneté, juillet 2011.
[22] Beacco, J.-C., Cavalli, M., Coste, D., Egli Cuenat,M., Goullier, F. & Panthier,J. (2015) : Guide pour le développement et la mise en œuvre de curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle, Division des Politiques linguistiques, Conseil de l’Europe, Strasbourg (Ière version 2010).
[23] Baetens Beardsmore, Hugo, 2009, Multilingualism, Cognition and Creativity, in International CLIL Research Journal at www:icrj.eu
[24] Bruno Suchaut, directeur de l’Unité de recherche pour le pilotage des systèmes pédagogiques (URSP) suisse et professeur à l’université de Lausanne .
« Il faut 35 heures pour maîtriser les apprentissages de la lecture, s’insurge Henri de Castries, PDG d’Axa et président de l’institut Montaigne, le système français n’en donne qu’une vingtaine, 2016 rapport « Education et numérique » cité par Challenges.
Les langues: entre l’histoire et l’actualité.
La conclusion de l’article de Chadia Mhirsi montre qu’avec la mondialisation et globalisation des économies, il y a crainte quant à la l’évolution de la langue locale.( Cas de la Tunisie disparition l’arabe classique ou dialectal en faveur de français et l’anglais). Il(elle) met en exergue l’urgence d’instaurer une politique qui sauvegardera d’une part la langue locale et d’autre part l’apprentissage des autres langues, pour se faire entendre dans le concert international. L’histoire des civilisations nous renseigne en ce sens combien certaines langues (le grecque, le latin par exemple) ont pris place dans certains royaumes après l’essor économique d’Athenes ou de Rome, faisant disparaitre les langues locales des nations conquises. De même l’actualité nous fait comprendre comment les pays du nord imposent actuellement aux pays du sud leurs politiques linguistiques suite à leurs hégémonies économiques, faisant ainsi crainte la disparition des langues locales. Or, les langues véhiculent non seulement les connaissances en général mais aussi la culture propre de chaque nation de chaque peuple . La grande crainte de nations du sud seraient que l’apprentissage obligatoire de l’anglais, de mandarin, de l’hindi, de l’espagnol…fasse disparaitre les langues locales et par surccroit la culture propre à chaque pays. La culture et la langue font ce qu’est l’homme. Quand on les perd, on perd même la dimension ontologique de soi pour ne rester qu’une coquille vide de sens.
Devant la mutation que connaît le monde et dans un contexte de mondialisation et globalisation des économies, il y a nessecité de s’ouvrir à d’autres langues certes, ce que Mhirsi appelle mettre fin à la tentation monolinguisme et s’inscrire dans la dynamique plurilingue international, sans toute fois abandonner l’apprentissage et la maîtrise des langues locales. Ainsi donc, Il est souhaitable que l’éducation de base se fassent complement en langue locale et il est démontré que l’enfant qui apprend une matière, comprend beaucoup plus mieux en sa langue locale qu’etrangère. Au niveau secondaire, l’apprentissage peut se faire concomitamment et avec la langue locale et la langue étrangère. Beaucoup des pays du sud sont confrontés à ce dilemme dequelle politique adoptée dans les langues d’enseignement. La science reste universelle, elle peut s’apprendre dans toutes les langues sans aucune complexe. Cependant, apprendre une autre langue c’est connaître aussi l’autre..
Jacques Mwakupemba Taty
Le jeu. 2 avr. 2020 à 10:59, Un blog sur l’éducation dans les pays du Sud –
merci pour vos éclairages
Bonjour Monsieur Taty, vous verrez que je lance une rubrique sur le blog, la parole aux syndicats d’enseignants (avec le Niger pour débuter). serait-il possible d’interviewer un responsable de la FNECO/UNTC ?
Cependant je serais davantage favorable à un plurilinguisme stratégique au niveau des pays et ce, dès le primaire. C’est aussi une question de cohésion sociale et d’employabilité.