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Le Bureau exécutif de la FENECO/UNTC et quelques provinciaux au cabinet du Ministre de l'enseignement primaire, secondaire et technique, ( Jacques Taty, le 19 avril 2022)

Le phénomène des nouvelles unités : vers une solution ?

Bonjour,

Vous êtes nombreux de la République Démocratique du Congo à nous suivre sur ce blog et merci. De nombreuses requêtes s’enquièrent du sort des enseignants Nouvelles Unités suite à l’article de Jacques Taty Mwakupemba publié en juillet 2020. Jacques a tenu à faire une mise à jour que vous trouverez ci-dessous.

Du nouveau pour les enseignants nouvelles unités ?

La paie des enseignants « Nouvelles unités » n’est qu’une question d’heures, si l’on s’en tient à un message phonique de la Secrétaire générale ad intérim de l’Enseignement Primaire, secondaire et technique (EPST), Christine Nepa Nepa Kabala, daté du 2 mai 2022, adressé aux Directeurs provinciaux.

A LA UNERDC : la Secrétaire générale de l’EPST confirme la paie imminente des enseignants « Nouvelles unités »
A LA UNERDC : la Secrétaire générale de l’EPST confirme la paie imminente des enseignants « Nouvelles unités »

Elle précise que les listes de paie ainsi que les listings de suivi de la paie sont déjà disponibles dans les provinces.

« La paie du mois d’avril ayant été déjà lancée, la paie des enseignants « Nouvelles Unités » fera l’objet d’une paie complémentaire à celle du mois d’avril 2022 et pourra débuter d’ici la fin de la semaine », écrit Christine Nepa Nepa.

Signalons par ailleurs que depuis quelques jours, le Ministre de la Fonction Publique a annoncé une augmentation de 30% sur le salaire de base des agents et fonctionnaires de l’Etat dès la paie du mois d’avril 2022 selon Zoomeco.

L’Intersyndicale des syndicats des enseignants de l’Enseignement primaire, secondaire et technique avait exigé au gouvernement Sama Lukonde, le 17 mai dernier, de décaisser de manière « immédiate » et « sans condition », la paie complémentaire du mois d’avril des enseignants nouvelles unités et les frais de fonctionnement des établissements scolaires dans un délai de 48h (2 jours). Il menaçait d’aller en grève au cas où ces conditions ne sont pas réunies selon leur ultimatum, selon politico.

Un ciel toujours nuageux pour  la fin du phénomène Nouvelles Unités

Jusqu’à présent, le ciel ne s’éclaircit pas et d’aucun se demande à quand la fin du phénomène des nouvelles unités pour une partie des enseignants en République Démocratique du Congo ?

Ces enseignants engagés depuis de longue date et attendant être reconnus  par le service de la paie de l’Etat sont pris en charge par les parents avec le système de motivation.

Cette catégorie d’enseignant, travaille avec les promesses de SECOPE (le service de la paie), que leur situation sera prise en charge par l’Etat mais hélas, comme on dit en langue lingala (zela zela, mokomboso azangaki mokila = à force d’attendre, le gorille a manqué la queue).

Cette pratique parfois entretenue par les agents de SECOPE et ces promesses non tenues poussent certains observateurs à remettre en cause le travail qu’effectue le service créée en 1985 pour maitriser les effectifs du secteur d’une part et d’autre part mettre fin à l’évaporation fréquente des ressources financières.

Effectifs des agents payés en mai 2022 par la SECOPE

Effectifs des agents payés en mai 2022, SECOPE

Source : SECOPE, mai 2022.

On apprend ainsi en avril 2022 la prise en charge de 70 220 Nouvelles Unités. Vous trouverez plus de chiffres ici.

Le site SECOPE propose une adresse email pour dénoncer des faits frauduleux : secope.denonciation@gmail.com.

La question est de savoir comment restent-ils d’enseignants Nouvelles Unités non pris en charge par SECOPZ ?

L’opinion congolaise se pose la question si ce service est encore efficace et capable d’en finir avec ce phénomène conformément à sa mission de départ ? Il y a un an, l’arrivée de l’actuel Ministre de l’enseignement primaire, secondaire et technique un des critiques du secteur éducatif,  avait suscité beaucoup d’espoir pour la fin de phénomène Nouvelles unités. Ses sorties médiatiques avant sa prise de fonction avait laissé croire à un technocrate qui avait la parfaite maitrise des questions et tous les problèmes qui gangrènent le sous-secteur de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique allaient être réglés.

Malheureusement, cet espoir a vite tourné à la déception, à tel enseigne que l’opinion se demande si un extraterrestre ou un ovni descendrait du ciel pour en finir une fois pour toute.

En effet, pour mettre fin à ce phénomène, en décembre 2019 la signature du protocole d’accord de Bibwa, recommandait urgemment un contrôle biométrique des tous les enseignants sur toute l’étendue du territoire national pour quantifier le nombre réel des enseignants, calculer combien sont mécanisés et payés, combien sont hors serveur et doivent être mécanisés. Cette mission allait permettre certainement au SECOPE d’avoir une maitrise effective  des effectifs et mettre en place une stratégie pour mettre un terme à ce phénomène.

Déclaration de l'intersyndicale mle 17 mai 2022 à Mbanza-ngungu dans leardi Kongo Central (Photo Jacques Taty - 20h15)
Déclaration de l’intersyndicale mle 17 mai 2022 à Mbanza-ngungu dans leardi Kongo Central (Photo Jacques Taty – 20h15)

Le Service de Contrôle et de Paie des Enseignants, SECOPE, serait-il dans la magouille ?

Le service chargé  de contrôler les effectifs et préparer la paie des enseignants, SECOPE, devrait normalement s’en réjouir afin de mettre fin aux rumeurs et allégations qui courent souvent à son endroit sur la gestion opaque et une sorte de caisse de résonance des autorités politiques au pouvoir.

Jusqu’à ce jour on ne sait pas pour quelle raison, les experts de ce service, ont convaincu le ministère de l’enseignement primaire, secondaire et technique, que cette opération était très couteuse et pouvait avoisiner 1 milliard de dollars. Vu que le budget national est moins significatif et vu aussi que 70% de ce budget serve à payer le salaire des fonctionnaires, il ne fallait pas prendre le risque en se lançant dans cette opération de peur d’asphyxier l’Etat, pouvant même provoquer un soulèvement populaire. Il semble que la vraie raison soit ailleurs.

En analysant la question en profondeur et sur les raisons de ce refus, il y a lieu de s’interroger sur les motivations réelles de ce refus. Soit le SECOPE connaissant ses magouilles, refuse de s’engager dans un contrôle strict et systématique de peur à mettre à nu tous les bras de la boite qui bénéficient des sommes astronomiques, soit le SECOPE agirait sous les instructions de la haute hiérarchie politique du pays de  ne rien accepte car le SECOPE serait une sorte de caisse à résonance des politiques au pouvoir qui s’en servent pour leur fin politique.

Dans les deux cas de figure, l’hypothèse du mauvais génie de SECOPE pourrait se justifier car à chaque fois qu’on demande à ce service attitré de nous donner les données réelles, on sent combien les langues se lient. Ce même constat est fait par Cyril Brandt. Dans sa brillante thèse, il analyse systématiquement cette problématique. Au chapitre 4, au point 1.3, il cite Lumeka-Lua-yansenga  dans l’univers des enseignants, une terra ignata, ou terra incognita .

Lumeka cité par Brandt s’interroge: à combien seraient-ils, nos enseignants primaires et secondaires ? La réponse tarde à venir, est-ce un silence volontaire? Si ce service possède des antennes installées dans les 26 provinces administratives, dans les 58 provinces éducationnelles du pays, quelle est la raison qui l’empêche de nous fournir ces données, combien il y a réellement de nouvelles unités, combien sont mécanisées et combien restent-elles encore?

La main des politiciens véreux tue le système

Une autre vraie difficulté pour mettre fin à ce phénomène des nouvelles unités, reste les mains mises des politiciens véreux à la recherche des dividendes politiques. A chaque arrivée d’un nouveau ministre dans le sous-secteur, un nombre important des nouvelles unités s’ajoute. Si le ministre s’amène avec sa suite sans oublier les recommandés des partis politiques, il y a aussi ses subalternes qui en profitent largement pour injecter leurs pions. Durant les 18 ans temps du pouvoir du président Kabila, le ministre du sous-secteur en  a profité pour mécaniser les écoles et introduire un bon nombre des nouvelles unités de sa province d’origine. Après les élections de 2018, d’autres ministres se sont succédé, perpétuant la même pratique à faire. Récemment, l’actuelle secrétaire Général ad intérim de l’enseignement primaire, secondaire et technique, a affecté plus de 50 personnes dans les différents services.

Les députés et autres notables des provinces ne sont pas à la traine. Chacun dans sa valise amène, les dossiers d’un cousin, d’un oncle, d’un beau-frère. Et puisque ces politiciens véreux cherchent les dividendes politiques dans leurs provinces respectives. Ainsi donc, il devient difficile de finir ce phénomène car chaque ministre, chaque politicien et personne influente tient à introduire son candidat. En fin de compte, on dépasse largement les effectifs et il devient de plus en plus difficile de mettre fin au phénomène.

Une volonté politique ferme de la haute hiérarchie et des réformes structurelles s’imposent pour en finir

L’éducation, sa gestion, le contrôle des effectifs et l’assainissement des finances du sous-secteur tournent tout autour de la volonté politique ferme de la haute hiérarchie et des reformes structurelles en profondeur de tous les services internes en général et du SECOPE en particulier pour mettre fin à ce phénomène qui devient comme l’encre indélébile sur la pomme de main, Il semble que la volonté politique soit présente. Les récents contrôles effectués par l’Inspecteur Général des Finances, IGF en sigle, ont conduit en prison deux hauts anciens responsables techniques, un ancien Directeur Général du SECOPE et un Inspecteur Général pour les malversations financières.

Un ancien Ministre du sous-secteur avait été même incarcéré pour des faits de corruption. Cette volonté de contrôle systématique des fonds alloués à ce service, des effectifs et autre mécanismes de gestion est un élément positif, mais il faudrait aller plus loin pour dénicher les prédateurs qui tirent les dividendes sous la table, qui bénéficient des opérations retour, des commissions et les mettre tous hors d’état de nuit.

Quand on aura mis tous ces parasites hors circuit, Il faudrait en outre des réformes structurelles en profondeur pour revenir à la mission première confiée à ce service en 1985. Essayer de réformer la gestion des ressources humaines et de la masse salariale revient à enlever une énorme ressource de clientélisme et de politique électorale à des centaines de bureaucrates et de politiciens.

Le rôle des syndicats

Il faudrait aussi que les syndicats des enseignants participent activement à ce travail en jouant clairement et pleinement leur rôle, celui de défendre les droits de ses syndiqués et pousser le gouvernement à prendre en charge cette catégorie des enseignants. La tendance actuelle semble montrer que l’actuel ministre de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel, a mis la majorité des syndicats du sous-secteur sous sa coupe. Tous ces syndicats à l’obédience du ministre, ne savent plus lever la voix devant l’incapacité du ministre et le SECOPE d’assainir le secteur et prendre en charge toutes les nouvelles unités.

Mettre un terme au calvaire des enseignants dits nouvelles unités en République Démocratique du Congo, un phénomène à ce jour interminable, relève du courage des autorités politiques. Ni un extraterrestre ni un ovni, ne viendra pour apporter une solution, mais plutôt la volonté politique – réforme structurelle menée systématiquement, le travail des syndicats et le contrôle de l’Inspecteur Général des finances. L’ensemble de toutes ces variables  placés dans un même moule pourront assainir le milieu, arrêter la gabegie financière dans ce ministère et économiser des fonds astronomiques qui s’évaporent chaque mois. Ces fonds pourraient servir largement à prendre en charge les nouvelles unités.

Jacques Taty Mwakupemba

FENECO/UNTC

Kinshasa – RD Congo, Juin 2022