L’école ennemie de l’enfant

Les «modèles» d’école qui essaiment en Afrique et qui sont financés par la Communauté Internationale peinent à remplir leurs objectifs. Dans ces écoles qui ressemblent souvent à des casernes et où le drapeau est levé chaque jour ou chaque semaine, les enfants apprennent peu.

Les méthodes d’enseignement sont souvent basées sur le recopiage du tableau (faute de manuels scolaires) et les élèves répètent en ânonnant ce que dicte ou lit l’enseignant. Gare à celui qui commet une faute car il sera fouetté comme du bétail à coup de lanière ou de baguette. Les châtiments corporels sont légion et proportionnels aux mauvais résultats scolaires.

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La part d’élèves incapables de décoder un mot ou à compter jusqu’à 1000 y atteint des sommets. Voilà ce que les deniers publics financent.

L’objectif de ces écoles n’est pas tant d’enseigner la lecture que de former de bons citoyens, respectueux de l’ordre et de la loi, craignant l’autorité et amoureux de la patrie. Cette emphase sur des « valeurs » que n’aurait pas reniées Mussolini, se retrouve dans de nombreux programmes scolaires et est censée être la pierre fondatrice de la nation. Cela va même jusqu’à la lecture des discours du Président, sans aucun intérêt pédagogique et parfaite langue de bois (vu). On glorifie la police et l’armée dans les épreuves d’examens (vu) et on oublie comme a dit Mitterand que «le nationalisme c’est la guerre ».

L’essentiel est de former une masse de travailleurs serviles habitués à arriver à l’heure et à subir de mauvais traitements à l’école, à l’usine, dans les ateliers et dans les ministères. Peu de récompenses pour les élèves qui réussissent et font des efforts, il faut parfois payer pour passer, en espèces ou en nature (les notes sexuellement transmissibles, les NST). Le bâton, sans la carotte ou alors celle de l’enseignant…

Ces écoles ne parviennent pas non plus à unifier une nation, à voir les grandes tensions ethniques qui parcourent certains pays, le diable qui secoue son échine. Faire des ronds autour d’un drapeau ne suffit pas, encore faut-il que le pays soit bien gouverné et fédéré par une élite bien élue, ce qui est rare en Afrique. En réalité, dans bien des cas les pays sont gouvernés par une caste criminelle, fraudeurs et voleurs, trafiquants de drogue internationaux pour certains, condamnés à mort pour d’autres.

C’est un tableau d’écolier bien sombre me direz-vous mais attendez, vous n’avez encore rien vu. Que faut-il espérer de ces prisons de l’esprit, de ces centres de mauvais traitement dans des pays gouvernés par des criminels qui ont du sang sur les mains ?

Prenons le cas du Burundi. Petit pays pauvre, sans ressources naturelles, sans industrie mais petit paradis de collines parsemées d’Eucalyptus. Le kirundi y est parlé par la grande majorité de la population ce qui fait que les enfants apprennent dans leur langue maternelle et ont de bons résultats aux différentes évaluations internationales. Tandis que le Rwanda a fait le plus de progrès au monde ces vingt dernières années, le Burundi stagne dans la misère et la violence politique qui jéopardise toute avancée sociale. Cette violence dégouline sur l’école, rappelons que des enseignants ont massacré les élèves de leurs classes lors des génocides. Bien qu’on n’en soit heureusement pas encore là, la situation actuelle est préoccupante.

La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) relayée par la Coalition Education nous informe qu’au Burundi des lycéens ont été emprisonnées par le service national de renseignement pour avoir gribouillé le portrait du président dans les manuels scolaires. Oui, vous avez bien lu. Cette dérive Nord coréenne est proprement hallucinante. Par qui ont-ils été dénoncés, leurs propres parents, les enseignants ou la police fouille t-elle les sacs des enfants à la sortie de l’école ? Dans tous les cas, il s’agit d’une dérive grave qui mérite d’être dénoncée. On est loin de l’école sanctuarisée, amie de l’enfant comme le promeut l’UNICEF à travers ses programmes.

Selon l’UNICEF, « le milieu scolaire doit être un refuge pour les enfants où ils apprennent et grandissent, dans le respect inné de leur identité et de leurs besoins divers. Le modèle de l’École amie des enfants promeut à la fois, l’égalité des sexes, la tolérance, la dignité et le développement personnel. » […] « en faisant passer des règlements qui interdisent le châtiment corporel ».

Ce type d’école devrait être la norme et non l’exception. Pourtant, les écoles casernes, un modèle hérité de la fin du XIXème siècle, reste le seul promu par les financements internationaux. Le Partenariat Mondial pour l’Education n’a aucun fonds pour les innovations et nous vend chaque semaine des « success stories » et des projets pilote qui n’ont rien de révolutionnaires. Les pédagogies alternatives de type Freinet, Montessori ne sont jamais citées. Au mieux, on met en avant des écoles peu chères de type communautaire ou encore low-cost, qui reprennent les codes de l’école « classique ».

Est-ce à dire que globalement l’école est l’ennemie de l’enfant ?

L’école sera l’ennemie de l’enfant tant que les dirigeants massacrent, tyrannisent et exploitent leur peuple. Les financements internationaux ne viennent qu’alimenter et soutenir ce système. Il faut voir le quartier résidentiel de Bujumbura où se construisent des villas à faire pâlir d’envie les stars hollywodiennes et même JR de Dallas. Le Burundi est sur la mauvaise pente. Le Président Pierre Nkurunziza, condamné à mort puis amnistié, a été réélu en violant la constitution. Selon certaines sources, il a des difficultés de concentration pendant de longues périodes et croit qu’il a été choisi par Dieu pour gouverner le Burundi, sic.

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Il a été fustigé et moqué par Barack Obama lors d’un discours devant l’Union Africaine (voir à 2’03), qui a rappelé que « the law is the law even for the President». Au Burundi, c’est visiblement la loi du plus fou. Pierre Nkurunziza, l’histoire vous gribouillera.

Voir : https://www.youtube.com/watch?v=EpkQ6HQCbuE

Lire : les châtiments corporels à l’école : http://www.portail-eip.org/SNC/eipafrique/senegal/2010/Chatiment.pdf

Pierre Varly

Une pensée pour mes amis/collègues burundais qui ne peuvent gribouiller un tel article.

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