Les pays du Nord sont parvenus à un très haut niveau de qualité des infrastructures, services publics et outils de communication. En Europe et aux USA, la croissance est en berne et les investissements ne sont pas très rentables ou à rendement décroissants. Ces pays ne progressent plus, ils sont surendettés et surdéveloppés sans pour autant être heureux. L’écart de niveau de vie qui les sépare des pays du Sud est inacceptable et source de tensions et de conflits.
La seule chose qui distingue les pays surdéveloppés entre eux en termes d’avantages comparatifs est leur niveau de connaissances ou capital humain, peut être le système fiscal aussi. Voici le précepte de l’économie de la connaissance que l’on met en avant. Sur cette base, le savoir est monnayé et devient une marchandise comme une autre. Des logiciels éducatifs sont vendus dans les écoles des pays pauvres et on est obligés de payer pour accéder à la recherche scientifique, environ 20$ l’article, à des éditeurs comme Elsevier. Des chercheurs ont ainsi appelé à boycotter l’éditeur Elsevier et s’organisent en réseaux sociaux autonomes comme sur le site Researchgate.
Cette mercantilisation du savoir contrevient à certains principes économiques de base qui stipulent :
- Que les acteurs économiques adoptent une démarche altruiste (en partie)
- Que la circulation de l’information participe à l’équilibre du marché
En l’état, l’économie de la connaissance n’a d’économie que le nom. Il est inacceptable de payer les produits de la recherche financée par de l’argent public surtout lorsque celle-ci est destinée à proposer des solutions pour le développement et la réduction de la pauvreté. C’est contreproductif. En effet, lorsque l’on lit les 46 plans de développement de l’éducation des pays bénéficiant des fonds du Partenariat Mondial pour l’Education, seul un article scientifique est cité (dans le plan de Papouasie Nouvelle Guinée). La recherche en éducation est donc presque inutilisée au niveau des décideurs politiques nationaux, mais largement digérée par les bailleurs de fonds, soucieux de détenir un certain pouvoir grâce à l’information. Dans son dernier ouvrage, Repenser la pauvreté, Esther Duflo nous indique que c’est justement quand les pauvres ont connaissance des retombées éventuelles d’un projet, qu’ils se l’approprient et que le projet marche. Il est essentiel que les méthodes permettant de réduire la mortalité infantile ou d’améliorer les résultats scolaires des élèves soient connues du plus grand monde.
Dans le même esprit, le projet Sugar vise à créer et diffuser des ressources éducatives libres et est essentiellement porté par des développeurs informatiques qui ont à cœur (ah ah) de diffuser gratuitement la connaissance et le code des applications, dans le but d’une appropriation par les utilisateurs. Une telle démarche est formalisée par les licences Creative commons. L’idée est de parvenir à une situation intermédiaire entre le vilain copier coller et le paiement pur et simple d’une licence, qui ne donne droit à aucune modification d’une oeuvre. Dans les licences CC BY SA (comme sur ce blog), on peut modifier le produit tout en citant l’auteur de l’oeuvre originale. En gros, Brutus hérite de César et lui rend ce qui lui appartient sans le faire disparaître.
Sur ces principes, des avancées notables sont enregistrées en matière de libre diffusion de la connaissance:
- L’USAID incite à diffuser les résultats de la recherche qu’elle finance et les données libres de droit sur Internet, comme sur le portail Eddatata par exemple. https://www.eddataglobal.org/
- La Banque Mondiale vient d’annoncer de même que la recherche serait diffusée sous licence CC BY. Un répertoire des rapports, articles libres a donc été ouvert. http://creativecommons.org/weblog/entry/32335. Dans la pratique, il faut encore que les pays acceptent de valider et de diffuser la recherche qui les concerne, ce qui n’est pas toujours le cas lorsque les rapports traitent par exemple de la qualité de l’éducation ou représentent un enjeu politique.
- Le département US de l’éducation et l’Open Society Institute ont également lancé un concours vidéo qui récompensera celui qui saura expliquer l’usage et le potentiel des ressources éducatives libres. Plus d’infos sur le site de Creative Commons : http://creativecommons.org/weblog/entry/31615
Cela consacre les efforts des militants du libre que l’on remercie.
Pierre Varly