L’éducation universelle au Bénin ?

Par Aïcha SIDI

L’éducation universelle en 2015 au Bénin ?

L’éducation universelle est l’un des huit objectifs des Nations Unies pour le développement du millénaire établis en 2000. Ayant pris naissance au forum de Dakar, il fut repris à son compte par le Secrétaire Général de l’organisation des Nations Unies Ban Ki Moon à travers l’initiative Education First. Globalement si certains objectifs du Millénaire ont été atteints comme la réduction de moitié de la pauvreté, ou l’éradication de certaines maladies comme la polio, on est encore loin du compte pour l’éducation.

D’ici à 2015, tous les enfants du monde entier devraient avoir accès à un cycle complet d’études primaires et à une éducation de qualité. Toutefois, bien que les dispositions mises en œuvre aient amélioré les performances des systèmes éducatifs, les résultats actuels semblent montrer que plusieurs pays n’atteindront pas l’éducation universelle. Les courbes de progression des taux de scolarisation tendent à s’aplatir.

Mise en œuvre de la politique

Depuis l’année 2000, si l’UNESCO est l’agence responsable de l’EPT, plusieurs initiatives ont été mises en œuvre pour faciliter l’accès à l’école. On peut citer l’initiative Fast Track, rebaptisé Partenariat Mondial pour l’Education (GPE) né en 2002 et visant à financer les pays en difficulté, mais également les importantes remises de dette consenties. La condition d’éligibilité aux fonds du GPE se fait à partir d’un plan sectoriel jugé « crédible » fait par le pays en question. Le Bénin a été dans les premiers pays a participé à l’élaboration d’un plan sectoriel, et va recevoir un  nouveau financement de 47 millions de dollars pour trois ans de la part du GPE.

En dehors des financements bilatéraux, le Bénin bénéficie donc de financements multilatéraux, d’appuis techniques et d’un mécanisme de coordination des actions des partenaires au développement. Ces financements reposent sur le Plan Décennal de Développement du Secteur de l’Education (PDDSE) entériné en 2006, puis amendé en 2012. Il renferme plusieurs axes (objectifs) visant à améliorer les taux de scolarisation et la qualité de l’éducation, afin de lutter contre l’ignorance, la pauvreté et les inégalités sociales. Il a été financé par plusieurs bailleurs de fonds, entres autres le Danemark, l’Agence américaine pour le développement international (USAID), l’Agence Française de Développement (AFD), la Banque Mondiale…

Effets escomptés ?

Depuis l’adoption de cet objectif des Nations Unies en 2000, un impact positif important est observé. En effet, plusieurs pays parmi ceux ayant le plus de difficultés en éducation, selon une étude (SIDI 2012), ont vu leur taux d’achèvement suivre une évolution presque régulière de l’année 2000 à 2012.

En 2010,  une étude des Nations Unies  affirmait que le Bénin était sur la bonne voie de scolarisation universelle grâce aux différentes politiques du gouvernement. Notamment, la création du « club des mères » qui se chargeait de rendre visite aux parents d’élèves et de les sensibiliser sur le soutient à apporter aux enfants dans leur cursus scolaire.

Taux d'achèvement du primaire

Au Bénin, le taux d’achèvement est de 75% en 2012, c’est-à-dire que trois enfants sur quatre accèdent en dernière année du primaire contre seulement 40% en 2000. Le Ghana qui dépense près de 30% de son budget dans l’éducation est en passe d’atteindre la scolarisation universelle avec un taux d’achèvement de près de 90%. Le Tchad, qui n’a pas pu bénéficier des financements internationaux, n’a progressé que de 15 points d’écarts. Le Togo qui avait le plus haut d’achèvement en 2000 (70%) a été privé de financements internationaux jusqu’à une date récente et a même vu ses taux d’achèvement baissé. Le taux de progression le plus élevé est celui du Bénin avec l’Ethiopie.

Effets contraires ?

Au nombre des mesures prises dans le sens de l’éducation pour tous, apparait la gratuité de l’école primaire et maternelle. Cette dernière a été un soulagement pour les populations, surtout celles en situation précaire et ayant des difficultés à payer la scolarité. Cela a pu également constituer une motivation pour les parents qui hésitent à mettre leurs enfants à l’école, ils ont pu y voir une opportunité qui ne leur coûtait rien. D’autre part, certaines conséquences négatives, surement mal anticipées, ont montrés les limites de cette initiative.

Au Bénin, en Octobre 2006, le gouvernement fraichement mis en place (Mars 2006) a décrété la gratuité de l’enseignement primaire et maternel. Le but était de scolariser plus d’enfants, alors qu’aucune mesure n’était prise auparavant pour accueillir ces derniers dans le système éducatif. Il s’en ait donc suivi des affluences dans des salles de classes en nombre restreint ou même parfois insuffisantes. Le nombre d’élèves au primaire public est passé de 1 290 602 à 1 787 940 selon le rapport de l’Observatoire du changement social OCS&DGAE/MEF Il s’est fait donc sentir des besoins en salles de classes, mobiliers, enseignants, manuels scolaires. Selon le même rapport de l’OSC, 30% de la population a exprimé des avis défavorable vis-à-vis de cette initiative de suppression des frais de scolarité … Des mesures mises en œuvre plus tard ont permis d’équilibrer  le ratio élèves-enseignant, bien que dans certaines régions, il manque encore des salles de classe. Un autre handicap est que le nombre d’enseignants par région ou par école n’est pas vraiment lié au nombre d’élèves.

Se pose la question du financement de l’éducation, car si l’éducation n’est pas subventionnée par les contributions scolaires -par qui sera-t-elle financée ? souligne Jacqui Griffiths dans son artiche.

Parlant de financement, le Danemark mais aussi l’USAID qui est l’un des principaux bailleurs de fond du Plan Décennal, se retirent de l’éducation au Bénin. En effet, plusieurs études comme l’évaluation d’appuis éducatifs (Action & Développement) montrent qu’un tiers des élèves en fin d’année scolaire primaire ne savent pas lire.  Les résultats aux évaluations nationales et internationales ne sont pas bons.

Selon le directeur de l’USAID au Bénin (cité par Martin en 2010), cela montre l’inefficacité du système éducatif béninois. D’autre part, le directeur s’étonne du fait que malgré le financement de l’USAID des enseignants soient encore payés à 25000 FCFA en 2010, ce qui est pour lui l’une des principales sources de ces problèmes. Comme il l’explique, le salaire des enseignants ne leur permet pas de prendre soin de leur famille et constitue donc une grande source de démotivation dans l’apprentissage.

Les raisons qui pourraient être un frein à l’aboutissement de l’éducation pour tous peuvent être multiples et spécifiques à chaque pays. Au Bénin, on peut mettre entre autres l’accent sur la formation des enseignants. Selon Aide & Développement, 28% des enseignants n’ont reçu aucune formation.

Aussi, en octobre 2013 s’annonce le départ massif en retraite des enseignants les plus gradés au Bénin, dont de nombreux ex- Jeunes Instituteurs Révolutionnaires (JIR). Selon les propres propos de ces enseignants, “leur départ à la retraite en 2013 engendrerait une catastrophe dans le monde éducatif“. Dans ce sens l’assemblée nationale est en pleine discussion sur une augmentation de l’âge réglementaire de départ en retraite. Ceci permettrait de retenir dans le système les cadres « formés à grands frais » et conviendrait aussi aux partenaires techniques et financiers qui ont investi dans la formation de ces cadres.

Que conclure ?

La mise en place de l’EPT a permis de redynamiser les différents systèmes éducatifs africains, et comme nous l’avons vu, a eu un impact positif considérable sur la population scolarisée. Certaines mesures, prises à la hâte ont pu être revues et améliorées. Par exemple, le PDDSE au Bénin a été revu et soumis à une évaluation externe commanditée par les Partenaires Techniques et Financiers, puis amendé en 2012.

Toutefois, plusieurs études, notamment celles de la Banque mondiale (Rose 2013) montrent qu’il serait difficile d’atteindre en 2015 l’éducation pour tous. Des dispositions ont même été prises pour « l’après 2015 ». Le Secrétaire général Ban Ki-Moon a mis en place une « équipe Spéciale du système des Nations Unies », selon un article de l’ONU ; des objectifs et un agenda post 2015 ont déjà été établis. Mais la lumière ne viendra pas des organismes internationaux. Le Bénin « Quartier Latin de l’Afrique » doit se ressaisir. Rien n’est perdu, appelons à un sursaut national en faveur de l’éducation pour tous d’ici à 2015 !

Bibliographie

Action et Développement (A&D). (2012). EVALUATION APPUI EDUCATIF. Cotonou.

Griffiths, J. (2013). EDUCATION UNIVERSELLE, Les Nations Unies susceptibles de tomber de haut. COMPASS .

Martin, J.-Y. (2010). Les mises en scène du droit à l’éducation en Afrique subsaharienne. Dans J.-Y. Martin, Le droit à l’éducation : quelle universalité? (p. 79). Paris: Edition des archives contemporaines.

Nations Unies. (2012). L’initiative mondiale pour l’éducation avant tout une initiative du Secretaire Général de l’Organisation des Nations Unies. New York.

OCS&DGAE/MEF. (2012). IMPACTS DE LA GRATUITE DE L’ENSEIGNEMENT MATERNEL ET PRIMAIRE SUR LA PAUVRETE, LE SOCIAL ET LES OMD. Cotonou.

Rose, P. (2013). Are we on track for a global education goal? Reflections on the global meeting on education post-2015. World Education Blog .

SIDI A. & VARLY P. (2012). Identification des facteurs macro et micro qui influencent la qualité de l’éducation. Rabat.

UNDP. (2010, Septembre 22). Benin on track to achieve universal primary education.

Un mot sur l’auteure :  Aïcha SIDI, de nationalité béninoise, est chargée d’études statistiques à Varlyproject. En 2012, elle a réalisé un projet de fin d’études sur l’analyse des déterminants de la qualité de l’éducation. Voir l’article sur le blog.

This Post Has 3 Comments

  1. aichasidi

    Le Bénin fait preuve d’optimisme en prenant exemple sur les pays membre du partenariat mondial pour l’éducation qui ont eu d’importants progrès, notamment le Ghana. Une rencontre des représentants du Bénin et du Ghana a conduit à un échange de connaissances sur les réformes de l’enseignement. Les représentants béninois ont appréciés les progrès dans l’éducation du Ghana et surtout dans le domaine technique et comptent prendre exemple sur leurs stratégies.

    (http://www.educationforallblog.org/issues/success-stories/benin-to-ghana-the-global-partnership-for-education-triggers-south-south-learning?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed%3A+EducationForAllBlog+%28Global+Partnership+for+Education+Blog%29)

  2. DOSSOU Vignon Eric

    En tout cas pour moi, tout le système éducatif est à revoir. Les enfants n’étudient plus, ils font des fautes terribles si on tient compte de leur niveau. Qu’est ce qui est à la cause de cet échec du système éducatif béninois? Est-ce les réformes? Le tout ne suffit pas d’injecter de l’argent dans l’éducation, il faut aussi veiller au types de produits que sont les écoliers et élèves que l’école béninoise met sur le marché. C’est criard en en même temps regrettable .
    Camarade SIDI, je suis d’accord avec toi sur ton point de vue mais dis leur qu’il reste beaucoup à faire
    DOSSOU Vignon Eric, Béninois, étudiant en Statistique-Econométrie FASEG-UAC

    1. aichasidi

      En effet l’approche par compétences nommé “nouveau programme” introduit au Bénin pose problème dans plusieurs pays africains. La difficulté se trouve déjà au niveau des enseignants qui ne sont pas assez formés et peinent à s’adapter à ce système. Après il faudrait que le gouvernement donne les moyens pour sa réussite à travers par exemple l’achat des manuels scolaires et le matériel didactique nécessaire..