Par Michel Abassa, Octobre 2020
Introduction
Ayant bénéficié en 2012 d’une bourse puis d’un stage de perfectionnement en 2017 de la JAPAN INTERNATIONAL COOPERATION AGENCY (JICA) pour recevoir une formation en didactique de mathématiques et de sciences au primaire, étonnante fut ma surprise de découvrir que l’étude collective d’une leçon (ECL) ou formation sur le lieu du travail (Insets) est un dispositif japonais de premier plan pour organiser le travail collectif d’enseignants, stratégie adoptée par les autorités académiques de l’Université d’Education de NARUTO, du département de Tokushima, mais aussi du Japon en général.
Cette pratique couvre la maternelle, le primaire et le secondaire puis s’applique en formation initiale et continue des enseignants. Cette ingénierie éducative semble favoriser un enrichissement mutuel et significatif des pratiques réflexives chez les jeunes enseignants et développer un professionnalisme didactique. Dans la première partie de cet article nous voulons dérouler comment se déroule l’étude d’une leçon collective en contexte scolaire japonais, ensuite nous vous proposons d’apprécier quelle importance revêtent les disciplines maths/sciences dans l’écologie disciplinaire japonaise.
L’étude collective d’une leçon est un processus qui se déroule en trois étapes : la pré-conférence, la conférence et la post-conférence.
I-QUE SE PASSE-T-IL A LA PRE-CONFERENCE ?
Des planifications sont dressées au préalable pendant un mois, voire un trimestre par le directeur d’école et son adjoint, afin de programmer et annoncer des séances de pré-conférence avenir en mathématiques ou en sciences aux superviseurs pédagogiques communaux, départementaux et aux enseignants de l’université locale (de Naruto dans notre cas).
La pré-conférence consiste en une séance de préparation collective d’une leçon inscrite au programme officiel par le directeur d’école et son équipe pédagogique, dans certains cas avec les superviseurs pédagogiques locaux. L’équipe pédagogique et les superviseurs vont fédérer leurs expertises et capitaliser leurs expériences pour préparer ensemble une leçon. La préparation collective de cette leçon doit respecter et être conforme au canevas, à la démarche au respect des stratégies et méthodes pédagogiques en vigueur, la durée, la qualité des communications, les interactions enseignants-élèves, élèves-élèves, le climat relationnel, l’évaluation et le rendement des élèves. Il sera aussi question pour ce comité de s’assurer de la qualité et de l’utilisation des supports didactiques et matériels (mécaniques et audio-visuels), schémas, matériel didactiques pour faciliter l’enseignement-apprentissage.
Au terme de cette préparation collective, un enseignant titulaire ou néophyte est désigné pour conduire la leçon au jour désigné. Les superviseurs locaux, départementaux et les experts de l’université y sont parfois conviés.
II-COMMENT SE DEROULE LA CONFERENCE ?
Ce terme désigne la présentation de la leçon collective préparée dans une classe avec des élèves par l’enseignant désigné, en présence de tous ces éminents
Commissaires.
Il faut au préalable respecter un protocole sur le plan du mouvement d’occupation de la classe :
- Du côté des enseignants, tout est préparé en avance ; le tableau, les supports et matériel didactique, si c’est les sciences, le laboratoire est apprêté. L’enseignant-présentateur peut se faire aider par les collègues du même cours ou encore du même niveau.
- Du côté des participants, le collège des superviseurs entre dans la salle de classe en premier et ils s’installent au fond, ensuite viennent les enseignants de cette école et le ou les enseignants prestataires, accompagnés d’élèves. Immédiatement la séance débute, tout geste professionnel est noté et sera questionné, interrogé au cours la post-conférence. La séance est filmée, enregistrée, les superviseurs sont astreints au silence, et reçoivent avant l’arrivée de l’enseignant et des élèves, un protocole qu’ils devront renseigner à la de la leçon. Ce protocole peut avoir plusieurs rubriques qui seront discutées après pour s’enquérir de l’appréciation générale de la prestation de l’enseignant pendant cette séquence.
III-QUELLES PRECAUTIONS DOIVENT GOUVERNER LA POST-CONFERENCE ?
La post- conférence est le moment crucial et déterminant pour évaluer la prestation de l’enseignant. C’est un moment de confrontation et non d’affrontement. Elle intervient après que l’enseignant ou les enseignants aient libéré les élèves en prenant soin de les réinstaller dans une classe ou un espace où ils peuvent s’occuper en silence. Elle comprend trois étapes importantes : l’installation du modérateur, l’ouverture puis la conduite des échanges, et enfin, la délivrance de l’appréciation finale.
III -– 1 – L’INSTALLATION DU MODERATEUR
C’est le directeur, son adjoint ou tout autre enseignant expérimenté qui est désigné pour conduire le débat.
III-2 – LES ECHANGES
Après les civilités d’usage, il félicite d’abord l’enseignant-acteur et lui pose d’emblée les questions suivantes :
-Qu’est-ce que tu trouves que tu as bien réussi au cours de cette prestation ? -Quelles difficultés ou à quel niveau as-tu ressenti des difficultés?
-S’il fallait t’auto- évaluer quelle appréciation te donneras-tu parmi le suivantes :
Médiocre-passable- bien ou très bien ?
– S’il t’était demandé de présenter encore cette leçon, quels aspects
devrais- tu améliorer pour améliorer le rendement des élèves en maths ou sciences ?
Après la réponse à ces questions, le modérateur oriente et dirige les débats en amenant les observateurs à se focalisant sur les aspects contenus sur le protocole et nous allons énumérer les plus essentiels parmi ces différents domaines.(Voir protocole d’observation à la fin de l’article).
Le modérateur demandera d’abord à chaque commissaire de dire ce qu’il pense par exemple du respect du canevas et de la démarche scientifique au cours de la leçon, puis chaque participant émettra un avis par rapport à ce point. Chacun va proposer une appréciation et en fonction du nombre de participants moins celle de l’enseignant, l’appréciation dominante sera retenue.
Il sera donc finalement demandé à l’enseignant-prestataire et à l’équipe pédagogique d’intégrer toutes les observations pertinentes et remarques, puis de reprogrammer une leçon pour une autre séance d’étude collective d’une leçon.
La grille d’observation
III-3 L’APPRECIATION FINALE
Elle découle de la somme des appréciations dominantes de chaque rubrique et de la qualité des explications de l’intervenant, puis du pourcentage du rendement observé chez les élèves.
Toutefois, le collège des inspecteurs : communal-départemental,- plus les experts de l’université iront analyser la leçon en la revisionnant, puis un rapport sera adressé aux instances administratives jusqu’à l’enseignant pour le situer par rapport à son évolution professionnelle.
IV -– QUELLE IMPORTANCE REVETENT LES DISCIPLINES MATHS/SCIENCES DANS L’ECOLOGIE DISCIPLINAIRE JAPONAISE ?
Les maths et les sciences occupent une place prépondérante dans l’écologie disciplinaire du système éducatif nippon. C’est pourquoi l’étude des leçons est plus canalisée dans ces disciplines. Pour développer des pratiques réflexives et assurer une formation continue efficace, l’étude de leçon a amené les apprenants japonais à avoir de bons résultats en maths et en sciences dans les évaluations internationales TIMMS.
Conclusion :
Au terme de cette présentation, nous sommes conscients que plusieurs modèles de formation initiale et continue existent, mais le modèle japonais basé sur l’analyse puis les échanges permanents entre experts et praticiens permet à l’enseignant de prendre conscience des schèmes d’action et à articuler les connaissances conceptuelles et l’expérience personnelle vécue. Dans une Afrique subsaharienne où les évaluations scolaires du PASEC et les équipes d’évaluation nationales en émergence (Sénégal,Unité des Acquis scolaires au Cameroun) montrent des résultats médiocres chez les élèves du primaire en sciences, en maths, et en langues n’est-il pas envisageable d’adopter et d’adapter le modèle de l’étude collective d’une leçon dans nos systèmes éducatifs ?
Prochain article : adaptation et transposition de la pratique japonaise de l’étude collective d’une leçon en Afrique subsaharienne : difficultés et résistances.
Article très instructif et qui nous permet de situer les faiblesses pédagogiques du système éducatif camerounais par rapport aux pratiques pédagogiques en vigueur dans des pays comme le Japon. on pourra voir comment nos inspections de pédagogies pourront les adapter même en partant des départements.