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De la Promotion scolaire à la revue annuelle des performances en République Démocratique du Congo

La revue annuelle de performance du secteur de l’éducation a eu lieu en septembre 2021 en RDC.

Un système de réédition de compte miné depuis plusieurs années en RDC

Quant on essaye de demander les données réelles sur ce qui est fait dans le secteur éducatif en République Démocratique du Congo, on sent une certaine lourdeur pour donner la réponse et parfois les langues balbutient. Et pourtant un travail est fait tous les jours et depuis presque une dizaine d’années. A la fin chaque d’une année scolaire, la majorité des acteurs œuvrant dans le secteur éducatif, les membres du gouvernement, les cadres de la société civile, les syndicats et les partenaires techniques et financiers se rencontrent sous le format nommé Promotion scolaire pour évaluer tout ce qui a été fait.

Mais la première revue sectorielle de l’éducation a eu lieu en 2019.

La Promotion scolaire est une messe technique vue la représentativité de ses délégués. Elle devrait être capable de nous produire des rapports sur base des données réelles remontées du terrain en termes de dépenses engagées et dépenses ordonnées, les résultats obtenus, les indicateurs de performances, etc. dans le secteur. Hélas, on se retrouve parfois devant un système opaque, où il est difficile d’obtenir des données réelles, un système miné depuis de longues années.

Qu’est-ce qui peut être à la base de cette absence des données ?  

Si depuis 1990, la République Démocratique du Congo a démocratisé son système politique, elle a laissé entrer dans ses différents secteurs en général et dans le secteur éducatif en particulier une tempête qui a conduit à un cycle infernal d’instabilité politique et structurelle. Ceci a entraîné des difficultés majeures à produire les données réelles sur son système éducatif. Et comme si cela ne suffisait pas, les guerres successives et meurtrières viendront détruire une grande partie des infrastructures scolaires censées produire des données et les faires remonter jusqu’au sommet. Il était difficile dans ce cas de réaliser des études complètes sur toute l’étendue du pays et même présenter des données globales en termes de réalisations dans le secteur.

Plusieurs années après, vers 2005, le pays a semblé revenir petit à petit à une certaine stabilité. Les institutions mises en place après les élections de 2006 ont permis de relancer les activités des différents secteurs. Le secteur éducatif n’est pas resté à l’écart. Plusieurs partenaires techniques et financiers sont venus au chevet du lit du système pour le faire sortir de son sommeil dogmatique. Plusieurs réformes ont vu le jour pour essayer de remettre le système sur les rails.

Ainsi, la Promotion scolaire a été remis en marche pour jeter un regard critique de l’action éducative. Un cadre qui devait analyser, réfléchir et aussi faire des propositions concrètes pour la bonne marche des activités éducatives. Après plusieurs rencontres, le constat est amer. Ce cadre purement technique, s’est transformé en un champ politique où certains viennent pour se faire nommer, d’autres viennent pour faire du commerce, bref chacun vient avec son petit agenda en poche. Il fallait y mettre fin.

Retrouvez dans cette vidéo, une introduction au suivi évaluation en éducation avec le cas de RDC

La revue annuelle des performances de 2021

Voulant se démarquer de ses prédécesseurs, l’actuel patron de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel a voulu donner une touche particulière à ces assises. Du 22 au 24 septembre de l’année 2021, plus de 350 délégués, la majorité des autorités infranationales, venues de toutes 48 provinces éducationnelles et divers services techniques, se sont retrouvés à Kinshasa. Il s’agissait de discuter de la question éducative sous le thème central “Rigueur et excellence pour le redressement du système éducatif congolais”. Les principaux objectifs assignés à ce meeting étaient :

  • Faire de la promotion scolaire devenue revue annuelle de performance, un centre de réflexion et d’approfondissement des différentes questions y afférentes ;
  • Soutenir totalement la politique de la gratuité de l’enseignement primaire tel que prescrite de la constitution du 18 février 2005 et la Loi –Cadre de l’enseignement national n°14/004 du 14 février 2014
  • Veiller à la pérennisation de cette gratuité en étant intransigeant aux réfractaires de cette politique ;
  • Produire des données concrètes issues de ces assises
  • Faire des recommandations concrètes, réalistes et réalisables.

Vers un nouveau souffle

Ces principaux objectifs peuvent être résumés dans la nouvelle formule de la revue annuelle des performances en ces termes : piloter le système éducatif congolais, produire des données statistiques fiables du système et enfin être un système de va et vient au centre de l’action éducative. De manière plus concrète la revue annuelle des performances devra être un élément central du dispositif de suivi évaluation du secteur. Ainsi, on pourrait faire l’état des lieux du système éducatif, le point des mises en œuvre des recommandations des promotions scolaires antérieures. Surtout on s’attellera à allouées au secteur et leur répartition intra sectorielle, à faire le point d’exécution physique et financière du budget par exemple de l’année en cours par rapport à la précédente,  à l’analyse de l’évolution des indicateurs ainsi qu’à la présentation d’un cadre commun d’appréciation des performance du secteur.

Des exemples et un guide pour les revues sectorielles conjointes

En lançant cette revue annuelle des performances, la République Démocratique du Congo va rejoindre d’autres pays d’Afrique, à l’instar du Ghana ou encore  du Bénin qui depuis 2003 organise la revue sectorielle.

Retrouvez dans cette vidéo, une présentation détaillée du système de suivi de l’éducation au Bénin

Il faut noter que les revues sectorielles conjointes présentes plusieurs caractéristiques. Elles doivent être spécifiques selon le contexte de chaque pays. Leur, finalité, leur forme et leur fonction varient d’un pays à l’autre selon les priorités, les contenus, la durée, les modalités appliquées, les données empiriques utilisées, les réalisations attendues et les mécanismes retenus pour le suivi des recommandations.

Le Partenariat Mondial pour l’Education a écrit un guide pratique pour les revues sectorielles conjointes.

Le guide pour les revues sectorielles conjointes

Parvenir à une telle tâche nécessite dès à présent un travail de fond en amont, dans les préparatifs, dans la collecte des données, dans les analyses profondes, rigoureuses et sans complaisance. Ceci, au-delà de tout une nette volonté politique pour arriver à produire des données réelles en évitant toute forme de manipulation pour des dividendes politiques. Au sommet de cette démarche, la revue annuelle de performance ne doit pas se dérouler en vase clos, mais s’inscrire dans les mécanismes de dialogue politique, dans les cycles nationaux de planification et les processus de suivi-évaluation existants. De ce fait, elle s’insère dans une suite d’autres mécanismes sectoriels menés par, ou en coordination avec les groupes locaux des partenaires de l’éducation, des groupes de travail techniques, ou d’autres forums regroupant les parties prenantes du secteur.

La stratégie sectorielle de l’éducation et de la formation 2016-2025

En lançant la gratuité de l’enseignement primaire, la République Démocratique du Congo a voulu non seulement respecter sa loi fondamentale, mais surtout se conformer à tous les instruments juridiques internationaux en la matière et plus particulièrement l’objectif de développement durable, ODD, sans son volet 4. Cet ODD4 est appuyé par la stratégie sectorielle de l’éducation et de la formation 2016-2025, une stratégie adoptée par le gouvernement de la RD Congo et endossée par tout le monde.

S’articulant sur trois axes majeurs, à savoir accès – Qualité – Gouvernance, elle s’articule autour de 26 réformes. Mais à ce jour on peut affirmer que seulement 10 réformes ont été amorcées telle que décrit le rapport de sa mise en œuvre publié en 2019. Tous ces éléments cités, la gratuité de l’enseignement primaire, la stratégie sectorielle de l’éducation et de la formation et tant d’autres, doivent passer au peigne fin. Dans la revue annuelle des performances, on peut observer, suivre par exemple le taux d’exécution budgétaire avec les performances au niveau des ministères sous sectoriels (Enseignement primaire, secondaire et technique, Affaires sociales, ministère de la formation professionnelle, arts et métiers, enseignement supérieur et universitaire,  de la recherche scientifique) .Dans chaque ministère on suit la base d’engagement et la base d’ordonnancement soit les dépenses engagées et réellement exécutées. On pourra sur ces bases conclure si réellement le financement système éducatif congolais évolue favorablement ou pas.

On commence un jour, puis c’est tout.

En République Démocratique du Congo, on commence toujours bien, et parfois avec pompe un projet, une initiative comme le lancement de la revue annuelle de performance. Après, tout se limite soit à la cérémonie d’ouverture, soit à passer le temps à ergoter. Comme beaucoup des structures déjà existantes, notre crainte est que cet espace de dialogue et d’analyse sans complaisance, devienne un lieu de jouissance, accaparer par un groupe des personnes sans compétences, ne maitrisant pas la matière.

Conclusion

Bienvenue à la Revue annuelle des performances en République Démocratique du Congo. Elle vient compléter ce qui peut- être manquait dans le secteur. A savoir : mieux comprendre avec des données empiriques probantes ce qui se passe réellement, qu’est-ce qui était prévu de faire, qu’est-ce qui est réellement fait, quelles sont les faiblesses, quels sont les acquis, quelles sont les recommandation et perspectives…

A l’instar des autres pays comme le Ghana, le Benin, le Sénégal, la RD Congo ambitionne à son tour de rendre son système éducatif plus performant et beaucoup plus compétitif en améliorant son dispositif de suivi évaluation.

Pour ce faire, cette mise en orbite est un long processus et requiert une certaine discipline, une démarche plus rigoureuse pour y arriver. Il faudrait par ailleurs que cette revue annuelle de performance s’appuie sur un leadership solide des pouvoirs publics. Ceci doublé par la participation étendue et réelle des parties prenantes nationales à un processus conjoint de revue et à un dialogue politique constructif. Cela passe aussi par une meilleure formation des syndicats d’enseignants aux questions techniques. C’est pourquoi le projet FORSYNC a été lancé de même qu’une Académie Syndicale en ligne.

Par Jacques Taty